29 février 2008, Libération

Didier Péron
Quotidien : vendredi 29 février 2008




Festivals cinéma à sec

Associations et indépendants
ne comptent plus sur les aides



Dans le domaine de l’action cinéma, l’incertitude demeure pour nombre de responsables d’associations et patrons de festivals qui n’obtiennent aucune réponse claire ni du côté du ministère ni du côté de leur Drac. Ainsi le festival Travelling à Rennes s’est déroulé début février sans que la baisse ne soit notifiée : «D’habitude le responsable cinéma de la Drac nous signifie notre budget en début d’année or là, on ne sait rien», explique Eric Gonzanet. La plupart des structures gèrent l’absence d’info, entre les effets d’annonces de la ministre qui assure que rien ne change et les coups de fil des collègues qui assurent qu’on leur coupe les vivres : moins 5.000 euros pour Passeurs d’image en Rhône-Alpes ; moins 8.000 euros pour Cinéfil à Blois ; moins 1.500 euros pour De la suite dans les images (Nord-Pas-de-Calais), etc. Les rencontres du cinéma d’Amérique Latine de Toulouse ont perdu leur subvention Drac mais ont été reconnues d’intêret national. Les pertes sont épongées par une aide du CNC. Ce n’est pas le cas des Rencontres Internationales de Paris qui se déroulent au Forum des Images. 35.000 euros d’aides viennent d’être retirés à une des manifestations les plus constantes éditorialement de la capitale.

Geneviève Troussier, directrice du Café des images à Hérouville-Saint-Clair (Calvados), a appris la semaine dernière par un coup de fil que son budget de 15.000 euros passait à 3.000 euros soit une baisse de 80 % : «Je me suis engagée sur des actions sur l’année et on va donc devoir puiser sur nos fonds propres. Ce que nous vivons là n’est qu’un début, 2009 verra déferler un tsunami sur les quelques rescapés de la première vague 2008.» Dans sa salle, elle montre de l’art et essai, des festivals consacrés aux aspects les plus novateurs de la production. Elle a fondé la Maison de l’image en Basse-Normandie (sur sollicitation de la Drac), en charge de toute la politique de soutien à la production. Elle ne mâche pas ses mots : «La politique actuelle est d’une bêtise crasse. Plutôt que de laisser chacun occuper un territoire spécifique et organiser sereinement les actions marginales, on nous demande de rejoindre le peloton.»


Responsable du cinéma la Salamandre à Morlaix, Nicolas Mey n’est pas directement touché par les baisses mais a noté au détour d’un courrier officiel un «dommage collalatéral» : pour la rentrée 2008, les options facultatives cinéma audiovisuel ne seront plus financées par la Drac. Le cinéma est partenaire culturel et touche une subvention pour un intervenant en collège et lycée. Le courrier l’invite néanmoins à «prendre les dispositions nécessaires en vue d’un nouveau plan de financement». Lequel ? Mystère.

28/02/2008 Le Mague Journal

Le Mague journal
le 28/02/2008



Festival Du grain à démoudre, coupez ?


Fin janvier, l’État, via la DRAC de Haute-Normandie, annonçait qu’il ne serait plus partenaire du festival européen de cinéma Du grain à démoudre. Suite à une vague de protestations, la DRAC est revenue sur sa décision, mais un appel à la vigilance est lancé par les jeunes cinéphiles.

Il était une fois dix-huit jeunes âgés de 10 à 23 ans. Tous ont été élèves d’une école primaire de Gonfreville l’Orcher (Seine-Maritime). Grâce à Nicole Turpin, leur directrice, et à Ginette Dislaire, directrice de la salle Art et Essai-Recherche l’Éden/le Volcan du Havre, ils eurent la chance d’être initiés à l’art cinématographique. Pendant leur scolarité, ils ont visionné des films du patrimoine, décortiqué des images, tourné des lettres filmées... Un exercice qui ne peut que produire du bon grain. Pas celui qu’on écrabouille, qu’on ratatine, qu’on écrase pour le réduire en poussière. Celui qui germe et pousse bien haut pour se gorger de soleil.

En 2000, entourés de professionnels et d’élus attentifs, ces jeunes cinéphiles ont créé un festival de cinéma unique. Son drôle de nom : Du grain à démoudre. Au programme de la première édition, des films (le Voleur de bicyclette, Mars Attacks, les Contrebandiers de Moonfleet, la Petite vendeuse de soleil...) et des ateliers (cinéma d’animation, prise de vue, montage...). Les rencontres gonfrevillaises étaient animées par Antoine Guillot, journaliste à France Culture, producteur et scénariste. Année après année, le festival a pris de l’assurance et s’est aventuré dans des programmations assez audacieuses.

Reconnu en France et en Europe, parrainé par des pointures comme Michel Ocelot (le père de Kirikou) ou Claude Duty (réalisateur de Filles perdues, cheveux gras), Du grain à démoudre a multiplié les nouveautés. Le festival a exploré de nombreux thèmes (L’Autre, La Peur, La Rébellion, L’Absurde...), organisé des rencontres européennes, préparé des soirées spéciales autour de lettres filmées, de films du patrimoine, de courts-métrages, de vieilles bobines familiales..., animé des échanges avec des professionnels, lancé des concours d’écriture de scénario, développé les ateliers, proposé des concerts (Wax Tailor, Bratsch, Mandino Reinhart/Tchavolo Schmitt) et mis en compétition courts et longs-métrages peu distribués réalisés dans divers pays du monde. Dewenetti (du Sénégalais Ousmane Diana Gaye) et White Palms (du Hongrois Szabolcs Hajdu) ont ainsi reçu le Grain d’or à l’issue de la dernière édition.

Parmi les partenaires du festival, on compte, outre la Ville de Gonfreville l’Orcher, le Département de Seine-Maritime, la Région Haute-Normandie, la CAF, l’Education nationale, l’Union européenne... et l’État. Le désengagement de la DRAC provoquerait quelques secousses financières, mais risquerait également de provoquer des turbulences ou des doutes chez les autres partenaires. « La multiplicité des financements garantit l’indépendance et le sérieux du festival, explique Ginette Dislaire, la coprésidente de l’association Du Grain à démoudre. Si l’Etat s’en va, l’équilibre sera rompu. » En prime, après la suppression arbitraire des rencontres internationales Cinéma et Enfance du Havre, on peut légitimement s’interroger sur ces mesures qui visent des initiatives favorisant l’esprit critique et l’éducation à l’image dans une société saturée d’images publicitaires et politiques manipulatrices...

Sous la pression, la DRAC réviserait sa copie. L’information n’étant qu’officieuse, les organisateurs et les défenseurs du festival Du grain à démoudre ont maintenu la manifestation prévue au Havre le 22 février, par ailleurs Journée nationale de mobilisation des professionnels du cinéma. Accompagnés par des élus, notamment par Jean-Paul Lecoq, député-maire communiste de Gonfreville l’Orcher, les jeunes ont symboliquement jeté des roses rouges dans les eaux sombres du petit port de pêche (notre photo).

Après le thème Etre(s) sensible(s) en 2007, les jeunes organisateurs ont choisi Le Rêve comme fil rouge du 9ème festival prévu en novembre 2008. Espérons que toute cette histoire ne virera pas au cauchemar comme dans les mauvais nanars.

Pendant l’alerte, les travaux continuent. Le festival Du grain à démoudre lance un nouveau concours de scénario. Thème imposé : Le Rêve. Pour participer, il suffit d’écrire un scénario de trois à cinq pages maximum, dactylographié, en français, en anglais ou en allemand, et de l’envoyer avant le 15 juin 2008 à :

Festival Du grain à démoudre Maison des associations, BP 95 76700 Gonfreville l’Orcher, France.

Cela s’adresse aux jeunes de 15 à 25 ans. Le jury sélectionnera six scénarios et proclamera les résultats en juillet. Les six gagnants seront invités au festival. Les textes retenus seront lus par des comédiens durant le 9ème festival qui aura lieu du 4 au 10 novembre 2008 et mis en ligne sur le site Internet de l’association.

Plus d’infos sur le site du festival
Courriel : contact@dugrainademoudre.net
Téléphone/Fax : +33 (0)2 35 47 12 85

28 février 2008, pétition lancée par le SPI

SPI - Syndicat des producteurs indépendants
Pour signer la pétition
envoyez un mail ici
avec la mention "je soutiens la pétition
QUE VIVE LA TÉLÉ PUBLIQUE"
suivie de vos nom, prénom, fonction


Que vive la télé publique

« Supprimer la publicité sur les chaînes et les radios du service public » : la décision politique est prise qui correspondrait à une attente supposée du public, et qui permettrait au service public de mieux remplir ses missions.

À chaînes privées, argent privé – à chaînes publiques, ressources publiques : sous l’apparence d’un raisonnement de bon sens, se profile la chronique d’un désastre annoncé.

Les solutions envisagées pour compenser le manque à gagner des ressources publicitaires relèvent en effet pour l’instant de véritables usines à gaz ou de « concours Lépine » de la taxe, ce qui fragilisera d’autant plus un service public déjà affecté par un sous financement chronique qui se répercute déjà sur les programmes.

Au-delà de ces questions se profile un discours récurrent selon lequel il n’y aurait pas de différence de programmes entre les chaînes privées et les chaînes publiques.

Nous qui sommes créateurs, producteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ne supportons plus ce discours ambiant.

Il ne s’agit pas ici de dire que tout va bien ; nos pratiques quotidiennes, les refus, les contestations, les combats que nous menons en témoignent.

Mais, non, non, mille fois non aux amalgames et raccourcis faciles.

Des preuves ?
  • Qui fait la diversité, et donc la richesse, du cinéma français, si ce ne sont les filiales cinéma de France 2, France 3, ARTE qui ne se limitent pas aux films de genre ou aux comédies populaires et qui co-produisent la plupart des films sélectionnés dans les Festivals ou primés aux César ?
  • Qui accepte de produire en France des documentaires et d’en diffuser régulièrement en prime ? C’est-à-dire de regarder le monde, notre société avec une durée, une finesse, des contradictions, un discours non manichéen ?
  • Qui diffuse à l’antenne cinq fictions françaises par semaine, et, bientôt, des fictions hors prime time, avec de vrais paris éditoriaux comme les Harkis, les Oubliés, Clara Sheller ou la collection Maupassant et des feuilletons quotidiens comme Plus belle la vie ?
  • Qui diffuse environ 150 courts métrages français par an à travers trois émissions hebdomadaires dédiées (Histoires courtes, Libre court et Court-circuit) ?
  • Qui diffuse des magazines politiques réguliers en dehors des périodes électorales ?
  • Qui a pris le risque de diffuser du théâtre en direct, genre totalement délaissé depuis les belles heures d’ Au théâtre ce soir ?
  • Qui diffuse quatre soirs par semaine un magazine culturel qui s’est imposé comme un lieu privilégié de débats et d’expression de la pensée ?
Alors, de grâce, essayons d’abord de faire un constat lucide sur ce qu’est la télé aujourd’hui : notre télévision publique, souvent attaquée ou brocardée, est sans doute une des meilleures du monde, de même d’ailleurs que notre télévision privée qui, quoique à la recherche assumée du « temps de cerveau disponible » du téléspectateur, reste la plupart du temps bien supérieure à celle de nos voisins.

Nous qui faisons cette télévision, sans détenir à nous seuls la vérité, sommes quand même mieux outillés que ceux qui ne la font pas, ni ne la regardent, pour en parler.

Battons-nous toujours davantage pour la diversité, l’intelligence et l’audace, mais reconnaissons avant tout ce que nous devons à cette télévision publique qui ne se sort pas si mal de sa triple mission « éduquer, informer, distraire ».

Battons-nous surtout pour qu’elle ait les moyens de poursuivre cette mission avec dignité, courage et persévérance.







28 février 2008, pétition lancée par le CRAC Centre


C R A C - CENTRE
Signez la pétition ici


Vers le démantèlement de la diversité
artistique et culturelle
en Région Centre ?


  • L’avènement et la banalisation manifeste d’un discours fondé sur la libre concurrence dite «nécessaire» entre secteur marchand et action publique.
  • En ce début d'année, les retours partiels de la Direction Régionale des Affaires Culturelles font apparaître un désengagement de l'État dans le soutien qu'il apportait jusqu'alors à un panel d'acteurs de l'action culturelle. Les plus touchées sont les associations artistiques et culturelles, compagnies, salles de spectacles, les festivals, cinémas de proximité, lieux de diffusion alternatifs et espaces de création.
  • Une politique budgétaire qui tend à séparer la création, la diffusion, l’éducation artistique et l’action culturelle.
  • Ce désengagement, bien que portant sur des montants relativement modestes pour l’Etat : de 5 à 20.000 € par structure et par an, soit l’équivalent de la moitié du budget annuel d’une structure) met en péril des structures et des emplois. Il a pour conséquence immédiate une réduction drastique des activités à destination des publics. Il n’a été précédé d’aucune concertation ni annonce. Aucune proposition d'évolution graduelle n'ont été proposée à ce jour aux structures concernées dont, les bilans d'activités et l'intérêt général de leurs actions n'ont été remis en cause.
  • Toutes formes de désengagement a des conséquences sur les politiques locales.
  • Cette évolution brutale de ces aides publiques va avoir pour conséquence de transformer profondément le paysage culturel de notre région. Elle remet en cause un maillage territorial qui garantissait une diffusion plurielle, la rencontre des œuvres avec un public large et diversifié, la pluralité de la production, la sensibilisation et la formation des publics.

QU’EST-CE QUE L’ACTION CULTURELLE EN REGION CENTRE ?
  • Aujourd’hui, l'avènement du multimédia sur Internet, l’omniprésence de la télévision dans le quotidien et l'utilisation massive d'outils numériques transforment en profondeur les pratiques culturelles. Ceci induit de nouveaux types de relations entre artistes, diffuseurs, producteurs et spectateurs. Nos structures jouent un rôle prépondérant : à la croisée de ces évolutions, elles travaillent quotidiennement à la construction de clefs de lecture et réalisent un travail charnière de pédagogie, de médiation en utilisant des cadres d'action perpétuellement réinventés dans les écoles, les hôpitaux, les prisons et, bien sûr, tout au long de l’année dans nos quartiers :
  • Les soirées de la Mariée Désirante (projections de films expérimentaux à la Scène Nationale d’Orléans)
  • Festival Extension (Tours)
  • Festival Quartier documentaire (Orléans)
  • Festival BanditsMages (Bourges)
  • Le village numérique (Orléans) …

Bien que les enjeux soient importants pour la diversité culturelle, les collectivités territoriales ne pourront pallier la diminution conséquente ou l'arrêt de ces financements. Or les structures concernées sont parmi les plus fragiles. Par leur petite taille, d’abord, mais aussi car celles-ci n’ont pas la même visibilité auprès du grand public qu’un cinéma ou un théâtre par exemple. Il est plus facile de s’attaquer aux petites associations ou compagnies qu’à ceux qui ont pignon sur rue. De plus, il faut savoir que chaque opération, même ponctuelle, demande un long travail souterrain, souvent mené par des bénévoles. Et sans appui financier pour couvrir les dépenses de fonctionnement, aucun projet ne peut aboutir.

Dans sa lettre de mission à la Ministre de la Culture du 01/08/2007, le Président de la République demande de « veiller à ce que les aides publiques favorisent une offre répondant aux attentes du public ». Or qui peut répondre efficacement à cette demande sinon ces petites structures, dont l’existence assure à la fois diversité de l’offre et proximité géographique ?



ET DEMAIN ?

Les baisses de subvention ciblent aujourd’hui le spectacle vivant, le multimédia, le cinéma et l’audiovisuel mais concernera certainement demain tous les secteurs artistiques et culturels sous différentes formes. Ex: Suppression de l’aide à la production réservée aux artistes plasticiens. La licence d'entrepreneur de spectacles qui est désormais obligatoire pour tout responsable de structure associative ou commerciale dont l'activité habituelle est la production de spectacles…

Autre exemple avec l’offensive des grands Circuits contre les salles de proximité à programmation Art et essai et contre les petites salles en milieu rural. Les Circuits accusent les salles aidées par les collectivités territoriales de concurrence déloyale. Or, contrairement aux Circuits, ces salles mènent un travail d’action culturelle et de diversification de la programmation qui les fragilise économiquement d’autant plus que les Circuits font pression sur les distributeurs pour monopoliser les films art et essai porteurs et veulent imposer un cinéma à plusieurs vitesses.

Quel choix aura le public lorsqu’il n’existera plus que les grandes institutions (musées, cinémas multiplexes, théâtres nationaux). Lesquels proposeront une palette plus réduite puisqu’il n’y aura plus autant de partenariats et de rencontres comme aujourd’hui avec les acteurs locaux actuels ?

C'est pourquoi nous souhaitons alerter l'opinion publique en amenant des éléments d'information aux élus, médias et réseaux d'acteurs sur le bien-fondé de nos actions et en favorisant l'ouverture d'un dialogue avec les pouvoirs publics sur la base d'une évaluation qualitative et quantitative des politiques publiques dans le domaine de la culture en région Centre.




25 février 2008, communiqué du Syndéac

25 février 2008
communiqué du Syndéac
relatif à la journée de mobilisation
du 29 février



Le dégel annoncé par le gouvernement pour le budget culture 2008 s'avère très insuffisant : près de la moitié des sommes a été utilisée pour payer les crédits d'investissement et les engagements de cofinancements européens. De la sorte, les aides aux compagnies indépendantes, les crédits d'action culturelle et les subventions aux festivals ainsi qu'à de nombreuses structures demeurent sévèrement touchés.

Le SYNDEAC appelle donc tous ses adhérents à rejoindre la mobilisation unitaire contre le désengagement de l'Etat qui aura lieu le:

vendredi 29 février 2008
à Paris
à partir de 15h00
Place du Palais Royal

Césars : Agnès Jaoui manifeste avec les réalisateurs


Lors de la cérémonie des Césars, vendredi dernier, une bande de réalisateurs sont restés à la porte, étroitement surveillés par un cordon de police.

A leur tête Agnès Jaoui (marraine de LaTéléLibre) qui a passé la soirée à distribuer un texte-pamphlet, “Cinéma Français : Avis de Tempête. État des lieux et propositions des réalisateurs pour revitaliser un système à bout de souffle“.

Ils s’inquiètent des intentions du gouvernement concernant l’évolution du financement du cinéma français (voir texte ci-dessous). Nous avons rencontré ces réalisateurs lors d’un conférence de presse au café jouxtant le théâtre du Châtelet, et dans la rue derrière des barrières, fièrement gardées par une vingtaine de policiers. Nous avons regardé passer les limousines pleines de stars, dont certaines n’ont pas daigné ouvrir leur fenêtre…

John Paul Lepers
Vidéo
Images : Joseph Haley
Son : Matthieu Daude
Montage : Clément Magnin








La SRF (Société des réalisateurs de films) publie son texte-pamphlet



“Etat des lieux et propositions des réalisateurs pour revitaliser un système à bout de souffle"

Deux coups de théâtre récents — la suppression de la publicité sur le service public et la “privatisation” du CNC préconisée par le gouvernement — inquiètent profondément les réalisateurs.

Nous avions déjà été alertés par la lettre de mission du Président de la République au Ministre de la Culture, qui insistait sur la nécessité de “répondre aux attentes du public”. Une ministre de la création qui veille aux attentes du public s’enlise forcément dans une contradiction inextricable. Car le public attend des artistes l’inattendu.

Répondre aux attentes du public en affaiblissant économiquement le service public et en prévoyant de privatiser CNC, voilà qui a sûrement retourné André Malraux dans sa tombe.

Ces mauvais coups surviennent au pire moment pour le cinéma français. A l’heure où les trois-quarts des entrées en salle se font avec 17% des films, où les réalisateurs et bon nombre d’intermittents sont précarisés, à l’heure où les films de l’Avance sur recettes sont ghettoïsés et où les aides initialement destinées à favoriser la création servent désormais à enrichir les plus riches, notre cinématographie n’a jamais été aussi menacée.

Pour sortir du cercle vicieux de la concentration, de la standardisation et de la banalisation, il est temps de réagir.

Valoriser la création, sauver la diversité culturelle, remettre le réalisateur au cœur du système, protéger la création des bouleversements technologiques actuels tout en ouvrant le cinéma à l’Internet, voilà ce que propose, aujourd’hui, la SRF…”


Journée de mobilisation nationale
contre le désengagement de l'Etat dans la culture
Vendredi 29 février - RDV 15h place du Palais Royal

28 février 2008, Le Monde

LE MONDE | 27.02.08 | 17h48
Lyon Envoyée spéciale

A Lyon, le gel des crédits
épargne les "gros"


Le directeur régional des affaires culturelles (DRAC) Rhône-Alpes, Jérôme Bouët, n'a pas eu l'autorisation de rencontrer Le Monde : l'affaire est trop sensible à l'approche des élections municipales. Sans doute aussi les récentes décisions en matière de crédits de l'Etat ne sont pas faciles à faire digérer aux théâtres et autres lieux culturels.

Car M. Bouët doit gérer la baisse du budget du spectacle vivant. Il avait fait un choix révolutionnaire : après l'annonce du gel de crédits de 6 %, fin 2007, il estimait qu'il fallait préserver les compagnies, déjà fragiles, et demander aux grosses institutions de consentir un effort. Mais il a dû s'adapter aux consignes de la ministre de la culture : en janvier, Christine Albanel décidait d'épargner le "cœur de réseau" (scènes nationales, centres dramatiques nationaux...) des coupes budgétaires. Dans la redistribution des cartes, les "gros", largement subventionnés, sont généralement les gagnants, et les "petits", déjà moins dotés, les perdants.

L'opéra en centre-ville, le Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne,
le Centre chorégraphique national de Maguy Marin, à Rillieux-la-Pape, ont retrouvé leurs crédits de 2007. La Maison de la danse à Lyon, bien que non labélisée, est passée entre les gouttes. Mais pas l'Orchestre national de Lyon (- 94.000 euros) ni le Grame, centre national de création musicale (- 30.000 euros).

De leur côté, les scènes moins connues comme
le Théâtre de la Renaissance d'Oullins ou celui de Givors perdent 4 % des aides de l'Etat. Certes, les compagnies n'ont pas été touchées. Mais beaucoup fonctionnent aussi grâce aux crédits de l'action culturelle, inscrits sur une autre ligne budgétaire. Or ceux-ci sont en chute de 56 % dans la région, soit un manque à gagner de 600.000 euros. D'autres ont recours aux subsides de la politique de la ville, telle la compagnie Là Hors De, du quartier de la Duchère, à Lyon. En 2007, la DRAC gérait ainsi 34 millions d'euros pour le spectacle vivant, dont 29 millions pour les institutions et 5 millions pour une centaine de compagnies.

"
Nous sommes en danger parce que les compagnies sont en danger. Si elles n'ont plus les moyens de faire des ateliers avec le public, on est foutus", résume Gisèle Godard, qui dirige le Théâtre de Vénissieux et mène des projets d'éducation artistique via les compagnies. L'une d'elles, La Cordonnerie, vient de perdre l'aide de la DRAC de 10.000 euros. Ne restent plus que les 20.000 euros du conseil régional et le soutien des théâtres qui coproduisent ses ciné-concertsc.



Le "zinzin" réactivé

"
Il y a un risque pour l'emploi. Entre 500 et 700 intermittents du spectacle sont sortis de l'assurance-chômage en Rhône-Alpes depuis la réforme de 2003", indique Vincent Bady, ex-président du Syndicat national des arts vivants (Synavi) et membre du Nouveau Théâtre du 8e, à Lyon. Syndicats et directeurs de lieux subventionnés ont réactivé le "zinzin", groupe de vigilance né de la crise de l'intermittence. Les gros calibres et les petites structures se serrent les coudes : tous travaillent en réseau. Que l'un vienne à être fragilisé, et le château de cartes vacille

"
La présence de l'Etat, même symbolique, est nécessaire, souligne Françoise Pouzache, directrice du Théâtre de Givors. Il ne faut pas laisser les coudées franches aux collectivités locales : j'ai des collègues qui soumettent leur programmation aux élus..." Patrice Beghain, adjoint à la culture du maire de Lyon, Gérard Collomb (PS), n'est pas optimiste : "La confusion va se dissiper après les municipales. Nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles coupes budgétaires." Et il prévient : "La ville consacre plus de 20 % de son budget à la culture et ne va pas suppléer au retrait de l'Etat."

Symbole de la montée en puissance de Lyon,
Les Subsistances, lieu de fabrique artistique, n'auraient jamais vu le jour sans l'impulsion de la ville et de la région. Ses directeurs espéraient "un redéploiement" des aides de l'Etat en leur faveur. Ce ne sera pas pour 2008. A Vaulx-en-Velin, le centre culturel Charlie-Chaplin ne reçoit plus d'aide ministérielle depuis plusieurs années. C'est là que, fin janvier, la secrétaire d'Etat à la politique de la ville, Fadela Amara, a évoqué son plan pour les banlieues - qui ne dit rien sur la culture.

Un peu amer, le directeur du lieu, Marc Masson, raconte : "
La DRAC nous dit : on ne vous subventionne plus, mais on aide les artistes en résidence chez vous." La roue tourne : l'une d'elles, la Nième Compagnie, vient d'apprendre que sa convention avec l'Etat ne serait pas reconduite.

Clarisse Fabre


Communiqué ACRIRA, GRAC et les Ecrans : Mathieu Almaric censuré aux César...

Cliquez sur les images pour les voir en grand


Février 2008 : Pays de la Loire, pacte des collectivités de gauche

Pacte des collectivités de gauche
pour des politiques culturelles dynamiques



Le gouvernement renonce
à l’ambition culturelle de la France !




La diminution du budget et la réorganisation du Ministère de la Culture auront de lourdes conséquences pour les professionnels et les publics de nos régions.

Aujourd’hui la Direction régionale des affaires culturelle des Pays de la Loire se refuse à communiquer l’ensemble de ses prévisions budgétaires et les baisses de subvention au secteur culturel. Pourtant, apparaît au coup par coup un important retrait dans tous les secteurs de la culture :
  • moins 43% sur l’action en direction des publics
  • moins 45% sur l’action en faveur de l’aménagement du territoire
  • moins 17% pour les établissements d’enseignement supérieur musique et danse
  • moins 30% pour les associations départementales pour la musique et la danse
  • moins 50% sur les politiques culturelles à l’international
  • disparition à terme des aides aux festivals
  • forte diminution sur les principaux établissements culturels de la Région,
  • scènes Nationales, compagnies théâtrales...

Au total, ce sont plusieurs centaines de milliers d’euros de financements culturels dans notre région qui disparaissent.

Aucun des secteurs de la vie culturelle n’est aujourd’hui en situation de continuer à supporter une baisse de l’investissement de l’Etat. Patrimoine, industries culturelles, spectacle vivant... des inquiétudes se confirment petit à petit pour l’emploi culturel et la pérennité d’une offre artistique diversifiée et de qualité aux publics.

Ce contexte budgétaire n’est pas conjoncturel mais l’affirmation de la volonté du gouvernement de se désengager des politiques culturelles pour les faire assumer par les collectivités locales ou les livrer au secteur marchand.

Etranglées par de nouvelles charges non compensées par l’Etat dans de nombreux secteurs de la vie publique, les collectivités ne pourront pas combler les abandons de l’Etat.

Face au désengagement de l’Etat, les collectivités locales dirigées par la gauche résistent autant que possible à l’effritement d’une ambition républicaine pour la culture. Elles revendiquent une vision de la culture au cœur de leur projet de territoire.

Cependant, refusant de laisser s’étouffer la vie culturelle et de jouer l’opposition et la mise en concurrence entre acteurs culturels, les collectivités locales de gauche, Région des Pays de la Loire, Département de Loire-Atlantique, Villes de Nantes, Angers, Le Mans, La Roche-sur-Yon, choisissent ici d’œuvrer ensemble pour maintenir une dynamique et offrir desperspectives possibles aux acteurs et aux citoyens.

Elles affirment leur volonté de construire ensemble une société de la culture et de la connaissance fondée sur l’idéal démocratique d’un citoyen instruit, éduqué, cultivé et donc armé d’un esprit critique et appellent à la mobilisation de toutes les collectivités qui partagent cette démarche dans la région.

C’est pour cette raison que l’Education et l’Ecole, les Arts, les Sciences et la Culture occupent une place centrale dans les projets électoraux, comme leviers d’émancipation et de développement tant pour les individus que pour la collectivité.

A contre-pied de l’Etat, elles revendiquent :
  • une attention particulière aux pratiques amateurs et à l’accompagnement des publics
  • un engagement au service de l’émergence artistique et de la diversité culturelle

Même si la diversité des contextes territoriaux impose le respect de la diversité des politiques culturelles pour lesquelles chaque collectivité assume en toute indépendance ses responsabilités, les collectivités s’engagent pour œuvrer ensemble à des politiques culturelles harmonisées.

Afin de fortifier l’action politique qu’ils entreprennent pour la culture, les élus de Villes, Intercommunalités, Département et Région issus de la gauche en Pays de la Loire s’engagent à :

  • assurer une coordination régulière entre collectivités dans un rôle de veille, de critique et de propositions face aux choix du gouvernement pour la culture
  • renforcer la concertation entre collectivités dans les décisions à prendre pour le développement des initiatives culturelles
  • rencontrer régulièrement professionnels et acteurs culturels
  • associer à ces rencontres territoriales une Conférence permanente de la culture à l’initiative du Conseil Régional des Pays de la Loire
  • soutenir les dynamiques de mise en réseau des différents secteurs de la culture.

Fortes de cet appel, les collectivités souhaitent démontrer qu’elles assument pleinement leurs compétences et responsabilités et qu’elles agiront en confiance avec les acteurs de la culture.

24 février 2008 Les acteurs artistiques et culturels de la Seine-Saint-Denis lancent un appel à soutien


Que vous soyez de Seine-Saint-Denis ou non,
si vous souhaitez rejoindre notre action,
merci d’envoyer votre soutien ici.



L’Etat abandonne l’art et la culture

Et vous ?



L'Etat se désengage du financement de l'art et de la culture. Les Laboratoires d'Aubervilliers sont directement concernés, une baisse de 11% affecte leurs activités en 2008. Les acteurs artistiques et culturels de la Seine-Saint-Denis lancent un appel à soutien que vous trouverez ci-dessous.
Nous sommes acteurs artistiques et culturels du département de la Seine-Saint-Denis, dans la diversité de nos statuts : centres dramatiques nationaux, scène nationale, scènes conventionnées, théâtres de ville, nouveaux territoires de l’art, espaces d’art visuel, cinémas plublics, équipements de musiques actuelles, festivals, compagnies et artistes indépendants. Nous subissons tous des réductions importantes (pour certains jusqu’à - 80% !) des crédits jusque-là affectés à nos structures par le ministère de la Culture.
Cette réduction concerne particulièrement – ce qui constitue un beau paradoxe en ces temps de « plan pour la banlieue » – tout le domaine habituellement nommé « démocratisation culturelle ». Il s’agit de toutes les actions que nous menons en direction des populations pour rendre possible la rencontre avec l’art dans nos cités.

Il est évident que plus l’oppression sociale est grande, plus les difficultés quotidiennes auxquelles se confrontent les familles limitent l’horizon de vie, plus la possibilité de s’intéresser à l’art, aux œuvres, est improbable. L’exclusion et les discriminations s’en trouvent ainsi renforcées. D’autant plus que certains considèrent que la culture n’est de toute façon pas une priorité, face aux problèmes de logement, de survie économique.

Plutôt que parler d’art, on prône alors une culture au rabais, instrumentalisée dans le meilleur des cas pour la paix sociale, l’occupationnel. Et l’on finit par ne même plus parler de culture, et par répondre à l’immense souffrance qui s’exprime dans nos quartiers par un déploiement de la force sans cesse plus massif.

Pourtant, l’un des principes fondateurs de l’émancipation humaine ne réside-t-il pas justement dans l’effort pris en charge par la société tout entière pour que chacun puisse avoir accès au savoir, aux œuvres des auteurs ? Il s’agit bien sûr de définir ainsi un horizon de responsabilité publique, sans jugement de valeur sur tel ou tel comportement individuel. Mais à une époque de plus en plus écrasée par l’uniformisation des esprits créée par les industries culturelles, les démarches singulières vers la fréquentation de tel ou tel auteur ne vont pas de soi pour le plus grand nombre.

Il faut en créer les conditions. C’est ce que nous nous acharnons tous à faire, dans la diversité de nos disciplines, de nos approches.

Tous, nous recherchons le contact et le partenariat avec les établissements scolaires, les associations, les centres sociaux, de multiples organismes pour que la population dans sa multiplicité puisse être mise en contact avec le théâtre, la danse, les arts plastiques, la musique et les images non marchandes, la littérature.

Tous, nous savons que sans une politique publique forte, des territoires entiers seront désertés par l’art et la culture, justement ceux où les personnes qui y vivent en sont le plus éloignées.

Ce sont les crédits qui nous permettent de mener ces actions qui se trouvent le plus gravement amputés. Nous ne pouvons pas l’accepter, au nom de l’équité sociale, au nom du développement harmonieux de notre société. Dans ce domaine également, se met en place une mécanique profondément inégalitaire : santé, enseignement, emploi, logement, culture, la logique libérale à l’œuvre va se traduire par des centaines de milliers, voire des millions de citoyens laissés sur le bas côté. Et donc par une société malade.

Pour ce qui nous concerne, nous appelons à un large rassemblement citoyen, à l’établissement de toutes les convergences avec les enseignants, les associations, les acteurs du secteur social, de la politique de la ville, tous les partenaires naturels de nos démarches. Pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, non seulement l’Etat n’augmente pas les crédits de la culture, mais il les diminue. Cette baisse pourrait-être fatale à nos activités.



Nous demandons :
  • le rétablissement par le ministère de la Culture de tous les crédits amputés sur l’exercice en cours, aussi bien pour la création que pour les actions artistiques et culturelles
  • la programmation d’un effort significatif dans ces domaines pour les exercices à venir


Premiers signataires :
Patrick Cahuzac (Inventaire/Invention), Patrice Cahen (Cinéma Louis Daquin, Blanc-Mesnil), Yvane Chapuis (Les Laboratoires d’Aubervilliers), Cendre Chassanne (cie Barbès35, Montreuil), René Chéneaux (cie Kick Théâtre), Claude Coulbaut (direction de la Culture du Conseil général), Anna Defendini (CCAS EDF GDF), Forum de Blanc-Mesnil, Antonio Gallego (plasticien), Régis Hébette (L’Echangeur, Bagnolet), Emmanuelle Jouan (Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France), Véronique Lescluse (Espace Michel Simon, Noisy-le-Grand), Olivier Marboeuf (Khiasma, Les Lilas), Gilles Sampieri (Le Colombier, Bagnolet), Michèle Soulignac (Périphérie, Montreuil), Denis Vemclefs (Espace 1789, Saint-Ouen)…..
Les Laboratoires d'Aubervilliers sont une association régie par la loi 1901, subventionnée par la Ville d'Aubervilliers, le Conseil général de la Seine-Saint-Denis, le Conseil régional d'Île-de-France, le Ministère de la Culture et de la Communication (Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France au titre de l'aide Associations conventionnées).
Les Laboratoires d'Aubervilliers sont membres du réseau Tram.






De plus, une journée de mobilisation nationale est prévue
le vendredi 29 février 2008
à 15h Place du Palais Royal


27 février 2008, Le Monde

Le Monde,
daté du 27/02/2008

Télévision publique, de l'audace !
par Christine Albanel
ministre de la culture



En décidant de supprimer la publicité sur les chaînes de l'audiovisuel public, le président de la République leur a tout simplement offert la liberté. Liberté d'imaginer, de créer, d'inventer, de surprendre, de prendre des risques, de se tromper peut-être. Liberté surtout de persévérer quand un bon programme ne rencontre pas, à ses débuts, le succès qu'il mérite.


Oui, il y a une différence évidente entre les chaînes publiques et les chaînes privées. Oui, la suppression de la publicité permet d'approfondir encore cette différence. C'est une occasion historique, et il est tout à fait normal et sain qu'elle suscite autant de débats, autant d'interrogations. La question de la compensation financière, sur laquelle l'Etat s'est déjà engagé à maintes reprises, ne doit pas éclipser la réflexion de fond qui sous-tend cette révolution du paysage audiovisuel : que souhaitons-nous voir sur nos écrans ? Quels principes peuvent nous guider dans la rédaction du nouveau contrat de service public audiovisuel ?

Le premier, c'est peut-être de s'adresser à tous, en même temps. Nous avons une vision éclatée de notre société, qui serait un ensemble de groupes, de communautés, de tribus, chacun représentant, en termes publicitaires, un segment, une cible. La logique commerciale, c'est de cliver, de répondre aux attentes supposées de ces publics ciblés. Tout autre devrait être la démarche du nouvel audiovisuel public, en se fixant pour objectif, au moins pour la tranche horaire qui va de l'avant-première partie de soirée (access prime time) à la fin de la deuxième partie de soirée, de rassembler, de fédérer. De trouver le fil rouge qui peut courir à travers films, émissions de variétés, fictions novatrices, documentaires, débats... En réalité, cette société éclatée est plus subie que voulue. Plus forte qu'on ne le croit est l'envie de partager, au-delà des différences sociétales, générationnelles.

"Fédérer" ne veut pas dire proposer de l'eau tiède. Cela veut dire, et c'est le défi, intéresser, étonner, traiter autrement les grands sujets de société, inventer des fictions qui nous parlent de ce que nous sommes aujourd'hui, avec un ton, un humour, un rythme qui seront la nouvelle "French touch". Nous avons tous les talents nécessaires, parmi nos producteurs, nos créateurs, dont la nouvelle génération est particulièrement brillante.

Une grille de télévision publique est un ensemble qui doit faire toute sa part au risque. Parce qu'il ne s'agit pas de donner aux téléspectateurs ce qu'ils attendent, ce que l'on croit qu'ils attendent - plus sûr moyen de se tromper -, mais de proposer, de bousculer. D'où l'importance d'un financement garanti, de ressources pérennes, car c'est le prix de la création, de la novation. C'est ainsi que nous réinventerons les mythes télévisuels, et que nous donnerons au Georges Perec de demain la matière des futurs Je me souviens. Bien évidemment, France 2 Cinéma, France 3 Cinéma doivent continuer à jouer leur rôle et à porter des choix exigeants de production.

Autre principe de bon sens : l'adaptation aux rythmes de vie. Une télévision publique débarrassée de la dictature de l'Audimat, même si elle doit rester attentive à son audience globale, c'est une télévision qui n'est pas réservée aux noctambules. On part souvent du principe qu'une émission dite "culturelle" est plébiscitée par tous, mais regardée en réalité par un très petit nombre.

Comment s'en étonner quand celles-ci sont programmées en troisième partie de soirée, voire en début de nuit ? Pour tous ceux qui travaillent, mais aussi pour les retraités, les personnes âgées, même le créneau horaire qui suit les dernières informations de France 3 est tardif. En revanche, un film qui commence à 20h30, puis une grande émission sur le cinéma, par exemple, ou un débat, un documentaire à 22 heures, 22h15, c'est la possibilité de profiter pleinement, dans toutes ses facettes, d'un programme de qualité. Nous avons tellement intériorisé la relégation quasi nocturne des émissions exigeantes qu'on n'imagine même plus pouvoir les regarder avec plaisir, parce que beaucoup plus tôt dans la soirée.

Enfin, et c'est bien sûr essentiel, cette télévision publique doit être indépendante, pluraliste, non partisane, intransigeante sur la liberté d'expression, et respectueuse de toutes les opinions. Il y a d'ailleurs peut-être des voies à explorer pour que ces opinions - je pense en particulier aux débats politiques - puissent être comprises, entendues, afin de permettre le jugement. Il n'est pas très sain qu'un politique, aujourd'hui, n'ait pour seuls choix que de "faire du spectacle", dans une émission de variétés ou un talk-show, ou de participer à un forum cacophonique qui nivelle toutes les paroles.

Donner un espace à une vraie confrontation d'idées, c'est un enjeu démocratique qui n'est pas nécessairement synonyme d'ennui. Bien entendu, cette télévision à développer, à construire, doit sécréter son propre antidote. Il y a tout un travail à mener, dans des émissions spécifiques, pour aiguiser les regards, forger l'esprit critique, notamment auprès des jeunes générations. L'audiovisuel public doit donner des clés pour se penser lui-même. C'est aussi un enjeu de citoyenneté et de démocratie culturelle.

Telle est la télévision de service public que je souhaite, que j'imagine : fédératrice, ouverte, innovante et audacieuse, diverse et libre, portant des valeurs d'écoute et de respect. C'est-à-dire les valeurs de notre pays, celles qui rendent la France exemplaire, désirable. Ne nous y trompons pas : la réforme de l'audiovisuel public est une réforme culturelle au sens le plus fort du terme. Ensemble, nous devons nous donner tous les moyens de la réussir.

Communiqué de presse région Rhône Alpes : Jean-Jack Queyranne défend un paysage cinématographique équilibré

Cliquez sur l'image pour la voir en grand



26 février 2008, La Croix

26/02/2008
La Croix


Les étranges silences
de la soirée des César


Éric Guirado a été empêché de lire une lettre qui avait été négociée pour évoquer la situation des cinémas de proximité et Mathieu Amalric s'estime « censuré »


De Panama, où il tourne le prochain James Bond, Mathieu Amalric n’a pas tardé à réagir. Le comédien, César du meilleur acteur pour le Scaphandre et le Papillon de Julian Schnabel, a été furieux d’apprendre que l’intervention qu’il avait préparée – au cas où il serait récompensé – n’avait pas été lue dans son intégralité, le soir du vendredi 22 février, par Antoine de Caunes, maître de cérémonie de la 33e Nuit des César.

Les téléspectateurs n’ont donc pas entendu le passage où l’acteur défendait les salles indépendantes, dans le conflit qui les oppose aux poids lourds du secteur.

« Insupportable trompe-l’œil des multiplexes, écrivait Mathieu Amalric. Les chiffres comme seule ligne d’horizon (…) Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs, c’est impossible, ce qui compte c’est le flux. (…) Alors que le travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et ont envie de faire tellement d’exploitants de salles se voit de plus en plus nié aujourd’hui (…) Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, notre poumon. »

Mathieu Amalric parle aujourd’hui de « censure ». Renaud Le Van Kim, producteur de la soirée, avance des raisons techniques qui auraient obligé à écourter le texte, en accord avec l’agent du comédien.



Plusieurs incidents au cours de la même soirée

Mais cet « incident » n’a pas été le seul. Éric Guirado, le réalisateur du Fils de l’épicier, devait prendre la parole sur scène, au nom du Collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle et de la Société française des réalisateurs (SRF).

Promesse aurait été donnée en ce sens par l’Académie des César, après de longues semaines de négociations. Cédric Klapisch, Pierre Salvadori et Christian Vincent, coprésidents de la SRF, auraient dû la lire mais se sont désistés pour des raisons qui leur appartiennent… Le nom d’Éric Guirado s’est alors imposé.

Voilà ce qu’il devait notamment lire sur scène : « Des dizaines de festivals, l’ensemble des réseaux de diffusion art et essai et de recherche, et de très nombreuses associations culturelles et d’éducation à l’image, plus de mille cinémas et villes concernés sont aujourd’hui fragilisés par des baisses de financement importantes (…) Qui défendra notre travail de création cinématographique si l’on détricote le travail de celles et ceux qui défendent le cinéma au plus près de nous tous ? »


Eric Guirado n’était pas autorisé à prendre la parole

Vendredi matin, à la demande d’Alain Terzian, président de l’Académie des César, une demande a été officiellement envoyée par le Collectif. Au milieu de l’après-midi, la SRF apprenait, par fax, qu’Éric Guirado n’était pas autorisé à prendre la parole.

« Cette cérémonie est intégralement, et exclusivement, dédiée à tous les artistes et techniciens qui vont être récompensés, ainsi qu’à ceux qui leur remettront leur trophée, répondait Alain Terzian. Ils disposent à ce titre d’une liberté de parole absolue, sur tous les sujets, et en particulier ceux qui concernent leurs métiers. »

Lundi 25 février, l’Académie des César affirmait qu’elle avait toujours défendu cette ligne et n’avait rien promis. Sauf que la lettre coupée de Mathieu Amalric, récompensé par un César, est une entorse flagrante à cette position de principe.


L'Académie paraît dans une tour d’ivoire

« Nous avons le sentiment que l’Académie est dans une tour d’ivoire et fait preuve d’un aveuglement inquiétant sur la situation réelle du cinéma français », fulmine Eugène Andréanszky, délégué général des Enfants de cinéma qui a suivi de près les négociations.

La cinéaste et actrice Agnès Jaoui, qui distribuait les tracts de la SRF aux invités de la cérémonie, déplore que l’on « réserve à des gens connus la prise de parole sur les menaces qui pèsent sur l’action culturelle dans le cinéma et sur le réseau de distribution. »

Vendredi soir, c’est finalement Jeanne Moreau qui a rappelé la part que prennent les cinémas de proximités pour la survie de la pluralité du septième art en France. Saluée par l’ensemble de la famille – déchirée – du cinéma français, cette intervention fut toutefois réduite à une phrase. Une seule, contre deux lettres...


Bruno Bouvet

Communiqué ACRIRA, GRAC et les Ecrans


Communiqué ACRIF : César 2008, glissement progressif vers la censure

Paris le 24 février 2008
Communiqué de presse de l'ACRIF
(Association des Cinémas de Recherche d'Ile-de-France)




César 2008 :
Glissement progressif de la censure


Vendredi 22 février a eu lieu la 33ème cérémonie des César.

Une soirée bien calme eu égard aux nombreux mouvements et inquiétudes secouant une partie de la profession cinématographique face au désengagement de l'Etat en matière d'action et de diffusion culturelles.

Mme Albanel a de la chance : rarement Ministre de la Culture n'aura passé une soirée des César aussi tranquille !

Seule Mlle Jeanne Moreau eu les mots justes pour rappeler que le cinéma "célébré" ce soir-là n'a de sens et d'existence que tant que des salles pourront le faire vivre auprès des publics.

Seule ?

Cela n'aurait pas dû être le cas.

Car Mathieu Amalric, ne pouvant être présent, avait préparé un texte qui devait être lu par le Monsieur Loyal d'un soir, Antoine de Caunes. De ce texte, on jugeât que les spectateurs présents au Châtelet ou devant leur télé n'auraient droit qu'à la version digest, expurgée de sa substance la plus politique. On décida donc d'effacer les réflexions de Mathieu Amalric exprimant son attachement aux salles de cinéma indépendantes : "la SALLE de cinéma" contre les multiplexes qui n'ont que "les chiffres comme seule ligne d'horizon". Et citant l'exemple du film la Question humaine de Nicolas Klotz, Mathieu Amalric estime qu'il "n'aurait jamais fait autant d'entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l'ACRIF (Association des Cinémas de Recherche d'Ile-de-France)".


Quelles que soient les véritables raisons de caviardage, il n'est pas téméraire d'en faire un symptôme du glissement progressif des mécanismes de la censure. Couramment utilisé dès lors qu'il s'agit de pointer la démarche répressive d'un état ou d'une institution à l'égard de ses opposants, ce mot s'applique moins souvent lorsqu'il est la conséquence d'un rejet de tout ce qui remet en question et complexifie nos béates certitudes.


Que la partie la plus politique du texte de Mathieu Amalric soit précisément celle qui a été supprimée n'est pas fortuit : elle résulte d'un choix, qui, pour avoir été fait soit disant dans l'urgence, voire même en toute innocence, n'en dédouane pas pour autant ses responsables : le choix de privilégier la gaudriole plan-plan (vannes, applaudissements, ennui insondable...) et de museler l'inquiétude légitime de certains professionnels du cinéma met à jour une certaine tendance de la société française : une subordination générale, diffuse, paresseuse et arbitraire à l'idéologie dominante. Tout ce qui se ne relève plus du spectacle est alors vécu soit comme une intrusion (perturbation de l'auto-célébration de la “grande” famille du cinéma français), soit comme le comble de la ringardise (car ringarde est toute tentative de partager un raisonnement politique).


Etait-il donc si gênant de rappeler que ce sont également ces cinémas indépendants qui font que, dans toutes les régions de France, des spectateurs peuvent découvrir les œuvres les plus novatrices, les expressions les plus singulières d'auteurs qui œuvrent pour que leur travail soit regardé, écouté, partagé, confronté, en salles ?

Etait-il donc si inconvenant de rappeler que ces lieux où se vit le cinéma sont aujourd'hui fragilisés, plongés dans les tourbillons du marché que l'Etat par ses choix laisse comme seul maître du jeu ?

Est-il donc si malaisant de rappeler l'existence d'hommes et de femmes qui travaillent au sein de salles de cinéma et qui font montre de leur attachement à une mission de service public en matière de diffusion et d'action culturelle ?


Est-il déplacé de rappeler que ce sont ces salles qui les premières ont aimé et défendu les deux premiers longs-métrages d’Abdellatif Kechiche La Faute à Voltaire et L'Esquive, et non les multiplexes ?

Est-il si incongru de penser que si ces salles disparaissent c'est l'ensemble du cinéma français qui se casse la gueule ? Enlevez l'échelle et il ne restera plus que le pinceau pour s'accrocher au plafond...


L’ACRIF est une association qui regroupe une cinquantaine de salles de cinema de banlieue parisienne.



Association des Cinémas de Recherche d’Ile-de-France
57, rue de Châteaudun - 75009 Paris
Tél : 01 48 78 14 18 - Fax : 01 48 78 25 35
contact@acrif.org
www.acrif.org

25 février 2008, La bande à Ruquier.com

La bande a Ruquier.com
Lundi 25 février 2008 par Rémy



César 2008 :
le discours censuré de Mathieu Amalric


Vendredi soir se tenait la trente-troisième édition de la cérémonie des César, où trois principaux films ont été primés : la Graine et le mulet, la Môme et le Scaphandre et le papillon. Durant la cérémonie, le discours de Mathieu Amalric, acteur de ce dernier film, aurait été censuré.



Le vainqueur du César du meilleur acteur, Mathieu Amalric, provoque la polémique depuis dimanche. Absent lors de la cérémonie des César, l’acteur avait envoyé un e-mail contenant son discours, à lire au cas où il gagnait le prix.

Vendredi soir, le maître de cérémonie Antoine de Caunes s’est donc acquitté de cette tâche, lisant le discours de Mathieu Amalric. Enfin, la première partie de son discours, c’est là le centre de la polémique... Une deuxième partie, moins consensuelle, aurait été censurée par Antoine de Caunes ou l’organisation de la soirée.

Le site des Cahiers du Cinéma publie l’intégralité du discours qui aurait dû être prononcé. Voici la partie non lue à l’antenne, sur Canal + :

Oui, la SALLE de cinéma, elle, doit pouvoir continuer à s’inventer.
"A lire à la lumière. Et à diriger sur notre nuit" Notre musique.
Insupportable "trompe l’œil" des multiplexes. Les chiffres comme seule ligne d’horizon. Aveuglement, brouillage, gavage, lavage. Et quelle solitude. Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs c’est impossible, ce qui compte c’est le flux. "Circulez s’il vous plaît, y’a rien à voir" . Au suivant ! bande de Brel.
Alors que le travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et on envie de faire tellement d’exploitants de salle se voit de plus en plus nié aujourd’hui.
La Question humaine n’aurait par exemple jamais fait autant d’entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l’ACRIF.
Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, nos poumons.
Sinon...
Sinon on va tous finir devant nos "home cinéma" à se tripoter la nouille...
Bons baisers de Panama...
Mathieu


De son côté, l’Union des Journalistes de Cinéma (UJC) a dénoncé dimanche "la censure" dont affirme avoir été victime l’acteur Mathieu Amalric. "Il est inadmissible que les membres de la profession et les spectateurs aient été privés des réflexions de celui qui a reçu le César du meilleur acteur, relatives aux menaces qui pèsent en France actuellement sur l’action culturelle cinématographique et les salles de cinéma indépendantes", estime l’UJC dans un communiqué.


25 février, site Dontmiss people

Site Dontmiss people,
lundi 25 Février 2008
Cinéma





Mathieu Amalric a décroché vendredi soir son deuxième César de meilleur acteur. Absent pour cause de tournage - il est à Panama -, il avait fait parvenir un long texte au cas où.
On se souvient qu'Antoine de Caunes en a lu une partie.

Mais l'acteur est furax, et il vient de le faire savoir hier soir en envoyant un communiqué à l'AFP : toute sa deuxième partie de son texte, dans laquelle il dénonce le pouvoir des multiplexes n'a pas été lu. Censuré ?




Son texte (AFP) : "De Panama je t’envoie le texte que j’avais envoyé au dernier moment aux Césars au cas où. Et comme le cas où est arrivé, il a été lu, paraît-il très bien, par De Caunes mais…. pas jusqu’au bout. Je n’en reviens pas. Je ne savais pas que c’était si simple que ça, la censure. »




Le texte qui n'a pas été lu
"Mais la salle de cinéma. Oui, la SALLE de cinéma, elle, doit pouvoir continuer à s’inventer.


"A lire à la lumière. Et à diriger sur notre nuit" Notre musique.

Insupportable "trompe l’œil" des multiplexes. Les chiffres comme seule ligne d’horizon. Aveuglement, brouillage, gavage, lavage. Et quelle solitude. Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs c’est impossible, ce qui compte c’est le flux. "Circulez s’il vous plaît, y’a rien à voir" . Au suivant ! bande de Brel.

Alors que le travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et on envie de faire tellement d’exploitants de salle se voit de plus en plus nié aujourd’hui.

La Question humaine n’aurait par exemple jamais fait autant d’entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l’ACRIF.

Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, nos poumons.

Sinon…

Sinon on va tous finir devant nos "home cinéma" à se tripoter la nouille…

Bons baisers de Panama…"

Mathieu.

Actualisation :
Voici la réponse de Renaud Le Van Kim, producteur de la cérémonie des César. C'était ce matin sur Europe 1 :

"Je tiens à préciser que nous avons reçu le texte de Mathieu Amalric aux alentours de 23h00. Nous sommes tout à fait désolés qu'il ait pu imaginer une censure quelconque. Il n'a sans doute pas évalué dans quelle précipitation nous avons dû gérer ce texte imprévu dans le conducteur d'une émission en direct de cette ampleur", écrit le producteur. Pour des raisons de timing (...), nous avons demandé à son agent, représentant officiel de l'artiste, qui nous a donné son accord sans l'ombre d'une hésitation, d'écourter son texte. Contrairement ce qu'affirme Mathieu Amalric, nous ne l'avons évidemment pas fait pour des raisons éditoriales."

Dont Acte !

24 février 2008, Site des Cahiers du cinéma




Avsent de Paris pour cause de tournage du prochain James Bond, Mathieu Amalric avait adressé à Antoine De caunes un petit texte à lire au cas où il recevrait le César. Ce qui advint, sauf que le-dit texte a été censuré de toute sa dernière partie. Le revoici, dans son intégralité, précédé du message électronique par lequel il nous l’a fait parvenir.




Message électronique de Mathieu Amalric :

De Panama je t’envoie le texte que j’avais envoyé au dernier moment aux Césars au cas où. Et comme le cas où est arrivé, il a été lu, paraît-il très bien, par De Caunes mais.... pas jusqu’au bout.

Je n’en reviens pas. Je ne savais pas que c’était si simple que ça, la censure.

— -


Antoine, tu le lis avec hésitation et bafouillements

Oui bon ben... euh... alors là on frôle le n’importe quoi :

Lindon ; trois fois nommé, zéro compression
Darroussin ; deux fois... nada
Michel ; quatre fois comme acteur... résultat blanc

Et le pompon, Jean Pierre Marielle. Sept fois nommé !!! Et jamais la fève, même pas pour les Galettes.

Chapeau ! ... De Panama, d’où je vous fait un vrai faux-Bon...D.

L’autre vilain de Lonsdale aussi il paraît.

Enfin, mouais, mais... non ce qui fait plaisir, c’est que le Scaphandre, c’est bien la preuve qu’un acteur n’existe qu’à travers, qu’en regard de ses partenaires. Parce que qui voit-on à l’image, qui fait prendre vie au Jean-Do de fiction ?

C’est Chesnais, c’est Ecoffey, Arestrup, Watkins. Ce sont Marie-José, Olatz, Consigny penchées vers lui, vers moi, vers vous, tendres, drôles et attentives. C’est Marina en Vierge Marie, c’est Emmanuelle Seigner qui joue pas la Sainte et qui du coup donne corps, chair et souffrance à Bauby. Ta fille aussi, Emma qui carrément provoque le miracle. Et c’était Jean-Pierre Cassel, doublement.

Le Papillon c’est la preuve que, quand il y a un réalisateur, les techniciens sont des roseaux pensants. Que tout se mélange, que sur un plateau tout est dans tout, qu’on peut être, (ce joli mot), une équipe PAS technique... parce que franchement qui c’est l’Acteur quand c’est Berto, le caméraman qui fait, qui EST le regard. C’est LUI qui, par les mouvements de sa caméra crée les mouvements de la pensée de Jean-Do.

Oui, quand il y a un réalisateur... Julian.

Je pense fort à une autre équipe. Celle, médicale, de l’Hôpital Maritime de Berck-sur-Mer où on a tourné et où Bauby a passé un an et demi. Le vrai et le faux, la réalité et la fiction... on ne savait plus. D’ailleurs c’est drôle, je me souviens. Le décor de la chambre, pour avoir plus d’espace, était reconstituée dans une grande salle au rez de chaussée de l’Hôpital, la salle des fêtes. Avec au dessus de la porte, une enseigne en grosses lettres rouges : CINEMA.

Ça ne s’invente pas.




ET LÀ DE CAUNES S’ARRÊTE



Mais la salle de cinéma. Oui, la SALLE de cinéma, elle, doit pouvoir continuer à s’inventer.

"A lire à la lumière. Et à diriger sur notre nuit" Notre musique.

Insupportable "trompe l’œil" des multiplexes. Les chiffres comme seule ligne d’horizon. Aveuglement, brouillage, gavage, lavage. Et quelle solitude. Vous avez déjà parlé à quelqu’un dans un multiplexe ? Pas moi. D’ailleurs c’est impossible, ce qui compte c’est le flux. "Circulez s’il vous plaît, y’a rien à voir." Au suivant ! bande de Brel.

Alors que le travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et on envie de faire tellement d’exploitants de salle se voit de plus en plus nié aujourd’hui.

La Question humaine n’aurait par exemple jamais fait autant d’entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l’ACRIF.

Ce tissu de salles, que le monde entier nous envie, est notre cœur, nos poumons.

Sinon...

Sinon on va tous finir devant nos "home cinéma" à se tripoter la nouille...



Bons baisers de Panama...

Mathieu


24 février, Mediapart

24/02/2008
Mediapart
par Ludovic Lamant


Lettre de Mathieu Amalric aux César :
Canal Plus se défend
de toute « censure »



Mathieu Amalric a reçu, vendredi 22 février, le César du meilleur acteur pour son interprétation dans le Scaphandre et le papillon, de Julian Schnabel. Retenu à Panama sur le tournage du prochain James Bond, l’acteur, déjà récompensé trois ans plus tôt pour son rôle dans Rois et Reine d’Arnaud Desplechin, avait fait parvenir un texte de remerciement, dans l’éventualité d’une nouvelle victoire. Il avait également demandé à l’animateur de la cérémonie, Antoine de Caunes, de le lire lui-même, ce qui fut fait. Problème : la lecture a été tronquée.

L’intégralité du texte, mise en ligne dimanche sur le site des Cahiers du Cinéma, montre que les deux paragraphes passés à la trappe sont également les plus politiques. Amalric y vante notamment le travail des salles de cinéma indépendantes, ce « travail souterrain, patient, divers, dédié au public, aux écoles, aux rencontres que font et ont envie de faire tellement d'exploitants de salles (et qui) se voit de plus en plus nié aujourd'hui ». Allusion directe à l’actuel climat d’hostilité de certains grands groupes à l’égard des exploitants indépendants, mais aussi à la grogne de beaucoup de professionnels face à la menace d’une forte réduction des subventions allouées, en région, aux festivals de cinéma. « Mathieu m’a appelé, il était très en colère. Il voulait faire passer des idées qui ne sont pas simples à faire passer dans une telle soirée. Les idées les plus chères à ses yeux ont été coupées. Nécessairement, il se pose la question de la censure… », raconte le réalisateur Nicolas Klotz, qui a fait tourner Amalric dans la Question humaine (2007).


A Canal Plus, la chaîne productrice de la soirée, on nie toute volonté de censure. « Les coupes qui ont été décidées n’ont rien à voir avec le contenu politique des dernières lignes du texte », affirme Michel Denisot, directeur artistique de la cérémonie, à Mediapart. Renaud Le Van Kim, producteur exécutif, confirme : « Mathieu Amalric nous a appelés dans l’après-midi pour faire savoir qu’il enverrait un texte. L’assistante de son agent, Jean-François Gabard, n’a réceptionné son mail que vers 22 heures 30. Le texte est arrivé entre mes mains alors que le prix allait être décerné dans six minutes. Il a fallu retaper l’ensemble pour qu’Antoine de Caunes puisse le lire confortablement, en gros caractères. Et il a fallu couper, avec Laurent Chalumeau, parce que c’était très long. L’ensemble a été fait en accord avec son agent. Je pensais au contraire que Mathieu Amalric nous remercierait de nous être adaptés de la sorte en cours de soirée… ». Dimanche en fin d’après-midi, l’agent de l’acteur réalisateur n’avait pu être joint pour confirmer cette version.

L’incompréhension prévalait dimanche, au sein du bureau de l’Académie des César, présidée par Alain Terzian, qui n’a semble-t-il pas été prévenu de la décision de raccourcir le texte d’Amalric. Une réunion extraordinaire du bureau a été convoquée lundi pour prendre position sur l’affaire, selon une source proche du dossier.

Ponctuée de quelques piques à l’encontre de Nicolas Sarkozy (notamment le mot de la fin de de Caunes promettant à l’ensemble des nommés « le Fouquet’s, des plats chauds et un grand concert à la Concorde avec Faudel et Mireille Mathieu »), la 33e édition des César n’a finalement offert qu’un très petit espace d’expression aux mobilisations en cours. Rien d’équivalent à l’ample tribune de Pascale Ferran, l’an dernier, qui s’était inquiétée du fossé grandissant entre l’économie des films d’auteur et de ceux à gros budgets. Pourtant, chose rare, quelque 200 salles indépendantes ont gardé portes closes en France vendredi soir, en signe de protestation contre la volonté du ministère de la culture de réduire les subventions régionales au cinéma. Un texte s’alarmant de la situation, signé par bon nombre d’associations de professionnels, devait être lu au cours de la cérémonie. Mais l’intervention a été annulée in extremis, faute d’accord entre l’Académie et la Société des réalisateurs français (SRF). La polémique autour du texte tronqué de Mathieu Amalric aura peut-être ce mérite-là : faire parler d’une mobilisation qui peine pour le moment à être entendue.