FPEA : pour une éducation artistique durable et concertée

Manifeste d'intérêt général
rendu public
le 15/07/2006
par le FPEA – Forum permanent pour l'éducation artistique




Nous, enseignant(e)s, éducateur(e)s, artistes, parents, citoyen(e)s, professionnel(le)s et militant(e)s de l’éducation, des arts et de la culture, prenons ensemble l’initiative d’un




Manifeste d'intérêt général
pour une politique d'éducation artistique
durable et concertée





A l'approche d'élections électorales majeures, nous dénonçons

  • La discontinuité de l’action de l’État au gré des alternances démocratiques
  • L’érosion actuelle des budgets de l’État consacrés aux arts et à la culture dans leur dimension éducative
  • Les écarts entre les paroles et les actes.



Face à une vision réductrice et normalisatrice de la réussite scolaire, nous voulons que l’éducation de nos enfants réconcilie et valorise toutes les formes d’intelligence.

Face aux assauts quotidiens de la marchandisation, nous voulons que nos enfants apprennent à distinguer une œuvre d’un produit.

Dans une société du divertissement et de la médiatisation, nous voulons que nos enfants aient toujours le choix des arts et de la culture.

Dans une société fragmentée, nous voulons que la diversité des esthétiques et des pratiques soit une chance et une arme contre les déterminismes.





Nous affirmons que le chantier de l’éducation artistique doit être une priorité nationale



De quelle éducation artistique parlons nous ?




Devant les phénomènes de mode et d’affichage d’un apparent consensus nous éprouvons le besoin de définir à nouveau l’éducation artistique.



Nous
AFFIRMONS qu’elle conjugue trois expériences qui se nourrissent mutuellement :

La fréquentation des œuvres. Cette pratique culturelle doit pouvoir se développer dans la régularité et la durée, organiser la rencontre équilibrée du patrimoine et des arts contemporains. Abordée avec ou sans préalable, toujours suivie d’échanges, elle est soutenue par un accompagnement, une médiation.


La pratique d’un art. De la sensibilisation à l’atelier régulier ou soutenu, la pratique artistique en amateur doit permettre de se confronter individuellement et collectivement à un processus de création.


La rencontre avec des professionnels. La fréquentation d’artistes, de technicien(e)s et d’artisans des métiers artistiques doit permettre la transmission de connaissances, de savoirs et de techniques, et doit contribuer à se représenter leur place et leur fonction dans la vie sociale, économique et politique.





Nous AFFIRMONS qu’elle conjugue nécessairement un projet pédagogique, un projet artistique et un projet culturel dans un cadre éducatif partagé.

Sa mise en œuvre concerne tous les professionnel(e)s et les acteurs des métiers de l’éducation, des arts et de la culture comme tous les responsables et les élu(e)s des politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales.

La dynamique de projet permet de vivre une expérience humaine et collective fondée sur un engagement de réalisation, de transmission et de partage. Cette traversée et cette gestion des incertitudes est formatrice en soi.

La dynamique de partenariat, dans le respect des singularités de chaque partenaire, garantit :
  • le croisement des expériences,
  • les transversalités entre des champs et des disciplines,
  • la complémentarité des compétences et des expertises.

De fait, l’éducation artistique diffère de l’enseignement artistique (*) comme de l’action culturelle (**)

(*) L’enseignement artistique apprend une technique artistique à travers des codes précis (musicaux, picturaux, géométriques, linguistiques, chorégraphiques, etc.) et des connaissances historiques et culturelles dans un champ donné.


(**) L’action culturelle est une action d’accompagnement et de formation des publics afin d’élargir l’accès à l’oeuvre d’art.








CE DONT nous SOMMES CONVAINCUS

L’éducation artistique contribue à la construction et à l’épanouissement de chaque individu tout en créant du lien social et politique. Un foisonnement d’expériences, de la maternelle à l’université, mais aussi dans le champ social, a fait la preuve des apports fondamentaux de l'éducation artistique à la construction de l'individu.





L’ÉDUCATION ARTISTIQUE PERMET À CHACUN DE :

  • Développer son intelligence sensible et créative.
  • Enrichir sa pensée, ses connaissances.
  • Accéder au sens, à l’imaginaire, au symbolique.
  • Élargir sa sensibilité, dépasser l’émotion immédiate et primaire.
  • Exercer son expression, son jugement critique et esthétique.
  • Comprendre le monde à travers ses représentations, découvrir d’autres cultures.
  • Développer l’écoute, la réceptivité et le respect des autres.
  • Apprendre les valeurs de la coopération plutôt que celles de la compétition.
  • Se connaître soi-même et se définir dans sa singularité.





L’ÉDUCATION ARTISTIQUE EST DONC UN DES MOYENS DE CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ QUI :

  • Offre à tous et toutes un destin commun dans la République, et place la laïcité au cœur de ses valeurs.
  • Donne sa chance à chacun(e) quelle que soit son origine sociale et culturelle.
  • Ne stigmatise ni ne courtise la jeunesse, mais accueille et encourage son expression.
  • Promeut une culture démocratique, ouverte sur la diversité, le partage de sens et la solidarité, une culture d’intérêt général pour rééquilibrer les logiques exclusivement mercantiles.







CE QUE nous VOULONS

PARCE QUE l’éducation artistique n’est toujours pas accessible à tous et toutes, nous exigeons qu’elle soit au cœur d’un projet national d’éducation garanti par les politiques publiques.

Les enfants et adolescent(e)s en âge d’être scolarisés et les jeunes en formation doivent être les acteurs et les bénéficiaires prioritaires de l’éducation artistique.

PARCE QU’elle est fréquentée par tous et s’adresse à tous et toutes, l’École doit promouvoir et garantir l’éducation artistique.

L’École est le premier établissement artistique et culturel, dès lors qu’elle est ouverte sur son territoire et s’inscrit dans une dynamique partagée de projet et de partenariat.





Nous DEMANDONS QUE :

  • Le système éducatif français soit fondé sur le développement des diverses formes d’intelligence (cognitive, spéculative, sensible, sociale, coopérative…)
  • L’inscription de l’éducation artistique et culturelle dans le socle commun des connaissances et compétences pour tous les jeunes de la Nation soit traduite en termes de moyens et de mise en œuvre.
  • Les projets d’école et d’établissement intègrent cette nouvelle mission.


PARCE QUE l’éducation artistique n’est pas accessible à tous et toutes, nous exigeons qu’elle soit au cœur des projets territoriaux garantis par des politiques publiques. La démocratisation des arts et de la culture doit continuer de progresser dans une dynamique de démocratie culturelle fondée sur la participation active des habitant(e)s d’un territoire à la vie culturelle et artistique.






CET OBJECTIF IMPLIQUE :
  • La multiplication des partenariats entre artistes, établissements culturels, scolaires, éducatifs, et structures de jeunesse et de loisir.
  • Une harmonisation et une prise en compte des temps de travail, de loisir et d’éducation en terme de continuité.
  • Des mesures de soutien et d’accompagnement des pratiques artistiques en amateur en lien avec les établissements artistiques et culturels.
  • Des mesures de péréquation permettant de tendre vers l’égalité des territoires.
  • La création d’instances de coordination départementale et régionale permettant la dynamisation et le pilotage de projets partenariaux de territoire.

Une telle ambition mérite qu’une dynamique nationale, relayée par les services déconcentrés de l’État, en partenariat avec les collectivités territoriales, repose sur une implication concertée des politiques de la culture, de l’éducation, de la ville, de la jeunesse et de la vie associative.



PARCE QU’il faut garantir la place de l’artiste dans les projets d’éducation artistique,

IL EST TEMPS d’admettre que lorsque des artistes ou des technicien(e)s des métiers artistiques interviennent dans un projet d’éducation artistique, ils le font à titre professionnel, au nom de leur expérience.

IL EST TEMPS de reconnaître que cet acte professionnel repose sur deux dimensions majeures : l’accompagnement d’un travail de création, la transmission d’un art.

IL EST DONC URGENT que les différentes réglementations soient mises à jour et harmonisées pour s’adapter à cette priorité politique qu’est l’éducation artistique.

PARCE QU’une éducation artistique durable doit pouvoir s’appuyer sur des actions simples à tous les niveaux de décision.







PÉRENNITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES

Les politiques publiques, de l’État et des collectivités territoriales, doivent nous permettre de travailler dans la durée. L’éducation artistique s’appuie sur des moments partagés entre artistes, enseignant(e)s, éducateur(e)s et acteur(e)s culturels qui ont aussi besoin de se connaître pour trouver le juste équilibre de leur collaboration. Elle transforme le rapport au monde et aux autres par une lente maturation dont les effets ne sont perceptibles qu’à long terme.







DÉVELOPPEMENT DE RECHERCHES
SUR L’ÉVALUATION DE L’ÉDUCATION ARTISTIQUE


De nombreux témoignages ont mis en évidence les apports positifs de l’éducation artistique. Nous avons besoin d’outils d’évaluation pertinents, qui tiennent compte d’aspects quantitatifs et qualitatifs grâce à des modalités multiples :

  • Évaluation croisée. Elle n’appartient pas aux seuls enseignant(e)s, mais doit faire l’objet d’un travail conjoint avec les professionnels des arts et de la culture. L’évaluation peut porter sur les connaissances, les savoir-faire, les attitudes, et chacun peut y contribuer selon ses compétences.
  • Évaluation analytique globale et/ou sensible. Le travail artistique ne peut en aucun cas être enfermé dans des schémas figés. L’évaluation de l’éducation artistique doit s’appuyer aussi sur l’analyse de la perception, et faire émerger le parcours effectué autant que la seule acquisition de savoirs.






FORMATION

Les professions communément impliquées dans l’éducation artistique sont :

  • Les partenaires artistiques (artistes, directeur(e)s de structures…)
  • Les partenaires éducatifs (enseignant(e)s, directeur(e)s d’établissements…)
  • Les partenaires jeunesse (animateur(e)s…)

Chacune de ces professions doit pouvoir trouver dans sa formation initiale et continue une prise en compte de l’éducation artistique comme une part normale de son activité professionnelle. Il est indispensable que la formation de tous les acteur(e)s du champ de la sensibilisation aux arts comporte obligatoirement une dimension d’éducation artistique et de dynamique de projet.

L’éducation artistique met en présence des artistes, des éducateur(e)s, des enseignant(e)s ou des animateur(e)s qui doivent bénéficier de formations communes pour optimiser leur partenariat.






À l’initiative du Forum Permanent pour l’éducation artistique, ce texte a été approuvé en juillet 2006 par :

ANRAT – Association nationale de recherche et d'action théâtrale
ARCADI – Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Ile-de-France
ATEJ – Association du théâtre pour l'enfance et la jeunesse
Biennale Théâtre Jeunes Publics/Lyon,
Association nationale danse sur cour,
EAT – Ecrivains associés du théâtre,
FCPE – Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques
Ligue de l’enseignement,
Les Enfants de cinéma,
L’oiZeau rare,
La Maison des écrivains,
OCCE – Office central de la coopération à l'Ecole
PEEP – Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public,
Scène(s) d’enfance et d’ailleurs,
SE-UNSA – Syndicat des enseignants-Union nationale des syndicats autonomes
SNUipp/FSU – Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (Professeurs d'enseignement général de collège) - Fédération syndicale unitaire
SYNDEAC – Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
UNSA-Education – Union nationale des syndicats-éducation.

25 décembre 2007, Le Monde

Nicole Vulser
Article paru dans l'édition du Monde
datée du 25/12/2007.

La stratégie de Marin Karmitz
face aux mutations du cinéma



R
arement les lignes de fracture ont été aussi tranchées dans le cinéma. 2007 fut l'année des balbutiements du numérique en salles, des spectaculaires recompositions d'alliances dans le domaine des "cartes illimitées", des problèmes de concurrence aigus entre salles municipales et circuits privés.


Au coeur de ces enjeux souvent très conflictuels, Marin Karmitz - âgé de 69 ans -, PDG du groupe indépendant MK2, à la fois producteur et distributeur de films exigeants, infatigable éditeur de DVD et créateur d'un réseau d'une soixantaine de salles parisiennes qui s'étoffe depuis trente-cinq ans. Ce succès ne va pas sans irritations. L'homme sort de sa réserve habituelle. Dans son bureau parisien, où trônent sur les murs des photographies de Christian Boltanski et son portrait signé par Gérard Fromanger, Marin Karmitz défend ses opinions, tranchées, sur ces questions d'actualité.

"La question essentielle est de savoir quelle politique culturelle nous voulons pour la France", affirme cet homme d'affaires né à Bucarest, persuadé que rien n'a vraiment changé depuis "la situation laissée par Jack Lang au début des années 1990". Mais alors que les moyens des pouvoirs publics s'amenuisent, il déplore "qu'à aucun moment personne n'ait dressé la moindre évaluation des aides versées par l'Etat, les municipalités ou les régions en fonction d'objectifs qui, malgré la révolution numérique, n'ont pas évolué. Or les contradictions ainsi engendrées sont devenues ingérables, et risquent de déboucher sur des conséquences désastreuses".

Marin Karmitz pointe les déconvenues essuyées au cours de l'année, qui, selon lui, justifient ses changements d'alliance au sein de la profession. La Ville de Paris, explique-t-il, a décidé avec le promoteur immobilier Apsys de détruire le multiplexe Beaugrenelle - que MK2 exploitait depuis trente ans - pour en construire un autre. Or, le promoteur a non seulement écarté MK2 au profit de Pathé pour sa reconstruction, mais il a confié un autre projet à Pathé - un multiplexe de 16 salles, sur un terrain détenu par l'Etat, porte de La Villette, à Paris. Exaspéré par ce qu'il considérait comme une double trahison, Marin Karmitz a renoncé à son alliance avec Pathé au sein de la "carte illimitée" Le Pass pour rejoindre, cet automne, l'offre concurrente d'UGC.

Auteurs, réalisateurs et producteurs se sont déchaînés pour fustiger "l'opacité" de ces cartes qui permettent à leurs détenteurs de fréquenter un circuit de salles autant de fois qu'ils le veulent après avoir payé un forfait mensuel. Une partie de la profession redoute une fragilisation des salles indépendantes. La commission d'agrément de ces formules d'accès au cinéma avait donné un avis favorable à l'alliance MK2-UGC, mais avait émis des craintes devant la dépendance accrue, sur Paris, des distributeurs de films d'auteur vis-à-vis des nouveaux partenaires, MK2 et UGC. Aussi, prudent, le Centre national de la cinématographie (CNC) n'a accordé à MK2 que pour dix-huit mois l'autorisation d'exploitation de sa nouvelle "carte illimitée" au lieu des quatre ans légaux.

Marin Karmitz va déposer un recours contentieux contre cette décision. "Le CNC m'a mis en liberté surveillée, estime le producteur, alors que l'Etat et la Ville de Paris avaient affirmé qu'il s'agissait d'une affaire entre groupes privés. Le système bureaucratique qui régit actuellement le cinéma ne concourt ni au dynamisme d'une entreprise ni à la satisfaction des spectateurs."

Autre sujet de polémique : la concurrence entre circuits privés et salles subventionnées. Marin Karmitz, comme Guy Verrechia, le PDG d'UGC, a porté devant la justice un différend avec une salle municipale. UGC a déposé quatre recours. MK2 n'en est qu'à son premier, devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, contre le projet d'extension de trois à six salles du cinéma d'art et essai le Méliès, subventionné par la mairie de Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Des dizaines de cinéastes, dont bon nombre avaient travaillé avec Marin Karmitz, ont pris fait et cause pour le cinéma municipal.

"Les trois salles initiales de Montreuil ne posent pas de problème, affirme le PDG de MK2. En revanche, le passage à six salles municipales, dans un centre commercial, ne se justifie pas, car Montreuil n'est pas sous-équipé." Le producteur juge déloyale la concurrence de la mairie, qui finance entièrement ces salles et propose des tickets d'entrée à très bas prix avec une programmation proche de la sienne. "La moitié des séances du Méliès offrent les mêmes films que ceux du MK2 Nation ou du MK2 Gambetta, situés à cinq minutes des salles de Montreuil." Le bras de fer entre Marin Karmitz et le maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard (PC), se poursuit. Pour l'élu, "l'existence de salles de proximité en banlieue justifie un soutien public".

Reste le passage des salles au numérique. Marin Karmitz estime cette mutation inéluctable. Mais l'ouverture de 14 salles, forcément numériques, situées entre Paris et Aubervilliers a du plomb dans l'aile. Marin Karmitz, pourtant choisi comme exploitant sur ce site, vient de "renoncer à investir 30 millions dans un projet dont (il) n'aurait pas eu la maîtrise architecturale". Il préfère se concentrer sur ses autres métiers. En 2007, il a mis en chantier une quinzaine de films en production, dont ceux d'Olivier Assayas et d'Abbas Kiarostami, édité une soixantaine de films en DVD et lancé une plateforme de vidéo à la demande de plus de 900 titres.

20 décembre 2007, délibération du CR du Languedoc-Roussillon

Délibération du Conseil régional du Languedoc-Roussillon adoptée à l'unanimité par les élus régionaux du Languedoc-Roussillon à la demande du Président Frêche et de Patrick Malavieille, Président de la Commission Culture et Patrimoine


Vœu pour le maintien du soutien de l'Etat
à l'art et à la culture
en région Languedoc-Roussillon




LE CONSEIL REGIONAL LANGUEDOC-ROUSSILLON,

VU le Code général des collectivités territoriales
VU le rapport n° DELIBERATION DU CONSEIL REGIONAL présenté par Monsieur le Président du Conseil régional Languedoc-Roussillon,

CONSIDERANT :

Parce que nous considérons que la culture n’est pas un supplément d’âme, mais un élément constitutif de l’individu, de la citoyenneté et du territoire, le Conseil Régional Languedoc-Roussillon a, depuis 2004, mené une politique volontariste en faveur de la création et de la diffusion de la culture, qui s’est traduite par un budget en augmentation de 2004 à 2008, passant de 7.293.000 € à 35.552/000 €.

Cette orientation est largement reconnue et approuvée par les habitants de notre région (74 % de taux de satisfaction dans le sondage de la SOFRES de novembre dernier) et a grandement contribué au dynamisme retrouvé du Languedoc-Roussillon.

Malheureusement, le budget de l’Etat pour 2008 a réservé pour la culture « un budget contraint et d’austérité » selon les propos de la Ministre Mme Albanel. 6 % des crédits des Directions Régionales des Affaires Culturelles sont gelés. De nombreux financements sont remis en cause comme les crédits liés à la politique de la ville, à la transmission des savoirs, à la démocratisation de la culture, à l’accès à la culture pour tous, au spectacle vivant, aux chantiers des monuments historiques ou aux aides à la construction d’équipements culturels.

En Languedoc-Roussillon, nous voyons déjà les premières baisses fortes dans des institutions majeures (au Centre Dramatique National, à l’Opéra National, au sein de l’association Réseau en Scène qui diffuse les artistes de la région sur tout le territoire, en France et à l’étranger), mais aussi sur les aides aux résidences d’artistes ou sur les subventions aux festivals, aux circuits de diffusion ou aux manifestations de qualité, de musique, de théâtre, d’arts de la rue, de littérature, d’arts plastiques ou de cinéma. Et les actions culturelles en milieu rural sont clairement visées par cette politique d’austérité.

La diversité culturelle, la démocratisation artistique et la politique culturelle d’aménagement du territoire que les élus de la majorité régionale défendent sont mises à mal. Il y a urgence pour l’Etat de remettre l’art, la culture et le patrimoine au centre des priorités de notre société d’aujourd’hui.

C’est pourquoi, le Conseil Régional condamne les fortes baisses du budget national de la culture et demande au Gouvernement de donner aux Directions Régionales des Affaires Culturelles les moyens d’accompagner les collectivités locales, les créateurs et les acteurs culturels.

Le président
Georges Frêche

14 décembre 2007, rapport Gross sur l'éducation artistique et culturelle : synthèse

SYNTHESE DU RAPPORT D’ANALYSE ET DE PROPOSITIONS
SUR L’EDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

rapport d’Eric Gross Inspecteur général de l’Education nationale, commandé conjointement le 27 juillet 2007
par le ministre de l’Education nationale, Monsieur Xavier Darcos
et le ministre de la Culture et de la Communication, Madame Christine Albanel


Le rapport sur l’éducation artistique et culturelle remis le 14 décembre 2007 au ministre de l’éducation nationale et à la ministre de la culture et de la communication s’efforce, à travers vingt propositions et huit recommandations, de définir les conditions d’exercice et de mise en œuvre d’une responsabilité devenue commune face à un enjeu reformulé.


Un enjeu reformulé

La notion d’éducation artistique, d’usage relativement récent, s’impose pour la première fois dans les décrets d’attributions et les lettres de mission des deux ministres. Avec cette notion, se structure le modèle d’une éducation complète, alliant l’histoire des arts, la rencontre avec les oeuvres et les artistes et l’apprentissage d’une pratique artistique. Ce modèle exprime aussi une ambition nouvelle : dépasser la rencontre ponctuelle et une offre encore inégale, pour proposer à chaque élève, tout au long de sa scolarité, un parcours construit, progressif, cohérent.



Une responsabilité devenue commune

Nouveau modèle pédagogique, l’éducation artistique et culturelle induit aussi un nouveau mode de partenariat entre Education, Culture et collectivité locales. Il ne s’agit plus seulement d’une éducation à l’école et par l’école, mais aussi d’une éducation à la culture par la culture, comprise comme une sphère englobant les institutions culturelles de l’Etat et des collectivités locales, un grand nombre d’acteurs associatifs mais aussi des industries de création comme le livre ou le cinéma. L’éducation artistique et culturelle induit un partenariat d’égal concours, une responsabilité partagée à plein titre par chacun des trois grands acteurs : ministère de l’éducation nationale, ministère de la culture et de la communication, collectivités locales. Ce partenariat resserré, renforcé, remodelé est nécessaire pour mettre en œuvre des propositions et recommandations jugées propres à renouveler profondément l’éducation artistique et culturelle, comme le Président de la République en a exprimé le souhait.





Ces propositions et recommandations structurent le partenariat autour des objectifs suivants.



I – Valoriser les compétences des professeurs dans le domaine artistique et culturel à travers le recrutement, à travers la formation initiale et à travers la formation continue ; développer l’offre de formation ; accorder la gratuité aux professeurs pour l’accès aux musées et monuments nationaux dans le cadre de cette ambition de formation.




II – Favoriser la structuration dans le secondaire d’un enseignement d’histoire des arts et d’éducation à l’image, qui doit en tout état de cause être interdisciplinaire, en créant une section histoire de l’art aux concours de l’agrégation et du CAPES, et en confiant aux lauréats de ces concours des missions de formation dans les IUFM, et d’animation et de coordination dans les académies.



III – Développer l’offre de ressources : ressources numériques en s’appuyant sur les grandes institutions muséales, mais aussi ressources issues de l’audiovisuel public ; permettre aux enseignants d’accéder à ces ressources et de s’orienter dans l’abondance de l’offre par la refondation d’un grand portail interministériel ; garantir aux enseignants et aux ayants droit un usage juridiquement sûr des extraits d’œuvres en mettant en œuvre correctement l’exception pédagogique prévue par la loi de 2006 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) ; pour ce faire, préciser par un décret les conditions d’application de l’exception et créer par une modification législative une gestion collective obligatoire des droits.




IV – Toucher tous les élèves, en structurant l’éducation artistique et culturelle autour de projets d’établissements et même de projets de territoire ; structurer ces projets selon deux axes : d’une part, le partenariat des établissements avec les institutions culturelles, d’autre part, l’existence au sein de l’établissement d’une vie culturelle animée par le centre de documentation et d’information, par l’existence d’un lieu d’expositions, voire par celle d’un ciné-club.




V – Favoriser des projets d’éducation largement collectifs ; en particulier, dans cette perspective, « revisiter la visite scolaire » en réinventant les conditions de sa préparation et de son déroulement ; encourager les projets innovants d’accueil des élèves ; permettre le développement des services éducatifs en renforçant les mises à disposition d’enseignants et en déployant vers cette fonction un volant d’emplois aidés.




VI – Permettre à tout élève en France de visiter, dans de bonnes conditions, au cours de sa scolarité, quelques-unes des institutions culturelles majeures de la Nation, du Louvre au Quai Branly en passant par le Centre Pompidou, Versailles, le Musée Guimet ou encore la Cité nationale d’histoire de l’immigration ; créer à cet effet, près de Paris, un centre national capable d’héberger en permanence 500 élèves pour des séjours de 24 à 48 heures.




VII – Créer les conditions pour que les écoles territoriales puissent prolonger pour le plus grand nombre l’apprentissage de la musique et des arts plastiques assuré par l’école et le collège ; assurer à cette fin la mise en œuvre rapide des dispositions de la loi du 13 août 2004, qui crée un partage plus équitable et plus efficace des tâches dans ce domaine entre les trois niveaux de collectivités locales ; mieux permettre aux familles d’utiliser pour des cours de pratique artistique les dispositifs favorables de la loi de 2005 sur les services à la personne, notamment le crédit d’impôt et le paiement par chèque emploi service universel.




VIII – Solenniser le partenariat autour de l’éducation artistique et culturelle et exprimer l’engagement à plein titre de chacun des partenaires par la signature d’un protocole entre les ministres, et par la signature, dans chaque académie, d’une convention Etat-collectivités locales, convention pluriannuelle et prévoyant des dispositifs d’évaluation.




IX – Assurer dans la durée l’efficacité et le développement de l’action conjointe des deux ministères, en créant au ministère de l’éducation nationale une délégation à l’éducation artistique et culturelle qui puisse notamment être l’interlocuteur de la délégation au développement et à l’action internationale du ministère de la culture et de la communication.




X – A l’exemple de premières initiatives exemplaires, développer le mécénat des projets d’éducation artistique au niveau national et au niveau local.




Conclusion : donner à la société française l’impulsion décisive et nécessaire pour qu’elle accorde, dans l’éducation de ses jeunes, la même place à la culture et aux arts que celle qu’elle a fini par accorder au sport.


La lettre de mission, le rapport complet sont téléchargeables
sur le site du ministère de la Culture et de la Communication

Vingt propositions et huit recommandations
pour renouveler et renforcer le partenariat
Education - Culture - collectivités locales
en faveur de l'éducation artistique et culturelle

13 décembre 2007, Blog du Comœdia de Lyon

Comœdia de Lyon
Consulter le blog, signer la pétition


Les informations concernant les attaques en justice d’UGC contre le Comoedia que nous avons données à nos spectateurs et que bon nombre de journaux, radios et TV lyonnais ont également diffusées auprès de leurs publics respectifs ont déjà amené plus de 5.000 personnes à signer le texte de soutien.

Nous espérons maintenant que le fort mouvement de soutien qui se développe nous permettra d’atteindre rapidement les 10.000 signatures et, par ailleurs, nous rendrons prochainement publique la liste des personnalités politiques qui nous ont manifesté leur soutien.

Un grand merci à tous ceux qui montrent ainsi leur attachement à la pluralité et à la diversité des lieux de diffusion des films. Les signatures et les messages de soutien sont pour nous un grand encouragement à ne pas baisser les bras et à continuer de défendre à la fois les films que nous aimons et une certaine conception du cinéma.

Et, à ce propos, ne ratez pas la Graine et le mulet (12 déc.), la Visite de la fanfare(19 déc.), les Trois brigands (19 déc.) ou Gone Baby Gone (26 déc.)

La première audience concernant la question du nom Comoedia a eu lieu le mardi 11 décembre devant le tribunal de grande instance de Lyon. Elle a été de courte durée car la juge s’est déclarée incompétente compte tenu des derniers arguments d’UGC.



Pour essayer d’expliquer la situation juridique en quelques lignes :

UGC nous a assigné au fond devant le tribunal de grande instance et a aussi demandé à cette même juridiction une décision en référé de façon à nous contraindre sans attendre la décision au fond qui demande plus de temps.

Pendant la phase écrite avant audience, qui dure depuis quelques semaines, et durant laquelle les avocats de chaque partie échangent leurs arguments juridiques, UGC a développé des arguments auxquels notre avocat a répondu par les siens.

Puis, jeudi dernier, compte tenu de nos arguments, UGC est parti sur une argumentation nouvelle qui, de fait, rendait incompétente la juridiction devant laquelle ils nous avaient assignés !

Ce que la juge n’a pu que constater et elle s’est donc déclarée incompétente pour traiter le dossier.

Cela veut dire que l’action au fond court toujours bien sûr et connaîtra ses développements dans les semaines et les mois à venir. Quant à une éventuelle action en référé, c’est maintenant à UGC de voir s’ils veulent continuer dans cette voie mais devant une autre juridiction…

13 décembre 2007, Politis


L’État se fait la malle

par Ingrid Merckx


Les acteurs du cinéma et de l’audiovisuel réunis en marge du Festival de cinéma de Vendôme ont dénoncé le désengagement du ministère en matière d’action culturelle. Et appelé à un rassemblement en janvier.


Démantèlement, suite. La baisse des crédits alloués aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) secoue le milieu du cinéma et de l’audiovisuel. Témoin: la table ronde organisée le 6 décembre, en marge du Festival du film de Vendôme, sur le thème «Le cinéma et l’audiovisuel dans la décentralisation»,a été l’occasion de lancer un appel à se mobiliser «pour lutter contre le désengagement de l’État en matière d’action culturelle dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, qui s’inscrit dans un désengagement plus large, menaçant l’ensemble de la culture en France». Venant s’ajouter à une série d’initiatives du même ordre (voir Politisn°978), ce texte(1) rappelle que sont directement visés la circulation des œuvres et leur rencontre avec un public large, la diffusion du patrimoine cinématographique, l’accès à la diversité de la production,la sensibilisation et la formation des publics et l’aménagement culturel du territoire, notamment en zone rurale et périurbaine. «Difficile de rester serein, a commenté, à la tribune, Antoine Leclerc, délégué général de l’association Carrefour des festivals, qui fédère une cinquantaine de structures. On est en décembre, les projets pour 2008 démarrent dans trois semaines, et les festivals ne savent toujours pas quelles aides ils vont recevoir de l’État. C’est habituel, certes, mais, cette année, le risque pour certains est de disparaître complètement.»

La part de l’État représente entre 5 et 20% du budget de ces structures,et de 10 à 12% en moyenne. La baisse de ces crédits entraînerait des pertes sèches de 30 à 40% pour ces opérateurs. « Insurmontable, tranche Antoine Leclerc, mais, de plus, cela va avoir un impact sur toute la filière.» Création, production, distribution, diffusion : toute l’économie du secteur va s’en trouver chamboulée. La pétition lancée le 6 décembre appelle tous les acteurs de l’action culturelle en France à un rendez-vous le 11 janvier à Paris « pour combattre ensemble les effets négatifs des arbitrages budgétaires pour 2008 ». Cinq millions d’euros : c’est le montant consacré à la diffusion du cinéma dans les Drac. Fondamentale à la survie de ceux qui œuvrent pour le cinéma de création, cette somme fait figure de cacahuète dans le budget global. « C’est évident que les motivations ne sont pas d’ordre économique mais idéologique », a tempêté Eugène Andréanszky, délégué général des Enfants de cinéma, qui pilote le dispositif École et cinéma.

Les deux représentants du Centre national de la cinématographie (CNC) invités à la rencontre paraissaient gênés aux entournures. « On est dans un moment d’arbitrage, d’entre-deux, on ne sait pas où on va, a hésité Anne Cochard, directrice de la création, des territoires et des publics. Sur les deux sources de financement du cinéma, le programme en direction de la création, des festivals et de la diffusion est effectivement menacé. Sans compter que la revue générale des politiques publiques, vaste expertise de révision lancée par le gouvernement, va forcément déboucher sur une redéfinition des rôles de l’État, des collectivités et du CNC. Mais une chose est sûre : la deuxième source de financement, à savoir le fonds de soutien du CNC, ne sera pas touchée. Essayons de garder courage.» Malgré de sombres perspectives, l’heure était plutôt au dynamisme à Vendôme. Centre images, organisateur de la rencontre, avait convié à la tribune un certain nombre d’acteurs à l’origine d’initiatives probantes en matière de diffusion, le sujet à l’ordre du jour. Quelles politiques territoriales? Comment rééquilibrer aides à la création et aides à la diffusion? Ce fut aussi l’occasion de soulever un autre problème majeur : le passage au numérique. Les multiplexes s’équipent, accroissant l’écart avec les salles indépendantes. L’intérêt est évident : une copie en argentique coûte environ 1.000 euros, une copie numérique, 150 euros. Mais, pour s’équiper, il faut débourser de 50.000 à 85.000 euros. « Avant de parler de format, parlons plutôt de ce que l’on va projeter», s’est agacée Fabienne Hanclot, de l’Agence du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid). «Les exploitants de salles ne voient plus les films qu’ils diffusent», a renchéri un participant. Et quid des projectionnistes, dont le métier va se résumer « à appuyer sur “play” et “stop”?» Réponse du CNC : un groupe de travail planche sur la question du numérique, il doit se réunir au premier trimestre 2008. D’ici là, « ne cherchez pas à vous équiper seuls, a conseillé Rafaël Maestro, directeur de Ciné-passion en Périgord. Il y a environ 1.000 salles de proximité en France, qui totalisent 40 millions d’entrées par an. Si elles se regroupent, on pourra négocier.» Se rassembler, mutualiser : les maîtres mots d’un secteur inquiet.

12 décembre 2007, une bonne leçon d'Utopia…


Voici un extrait du compte-rendu du 12 décembre 2007

du Conseil Municipal de la commune d'Aulus-les-Bains,
(189 habitants, dont 119 inactifs en 1999,
chiffres en baisse depuis 1982, non précisés en 2006)




Cliquez sur l'image pour la voir en grand
Télécharger le PV complet en pdf
ici.
Voir le site de la Commune d'Aulus ici.




Sans commentaire.

11 décembre 2007, Métro international

La guerre des cinémas débute

devant les tribunaux

L’“ogre” UGC conteste au Comœdia l’usage de son nom commercial



“UGC attaque la mémoire du lieu”, dénonce le patron du Comœdia.
“UGC attaque la mémoire du lieu”,
dénonce le patron du Comœdia.
Photo: JBL / Metro

Trois nouveaux multiplexes doivent voir le jour à Lyon entre janvier 2008 et 2010 : Pathé à Vaise, UGC au Carré de Soie et au Confluent. “Il y a un risque de suréquipement”, prévient Marc Bonny.
Un long métrage juridique démarre ce matin à 11 heures. Un an après la renaissance du Comœdia, cinéma mythique de Lyon, UGC assigne le nouveau complexe d’art et d’essai devant le tribunal de grande instance, pour contrefaçon sur le nom commercial.

De 1993 à 2003, le géant des multiplexes a exploité le cinéma sous le nom “UGC-Comœdia”. En 1987, l’ancien propriétaire, la famille Lapouble, avait déposé le nom “Le Comœdia” utilisé depuis 1924. UGC s’estime donc propriétaire de la marque et demande un million d’euros de dommages et intérêts.

“C’est un abus de droit avec la volonté de nous nuire”, estime Marc Bonny, patron de l’actuel Comœdia. “Ils veulent nous empêcher de fidéliser notre public avant le lancement de leur multiplexe à Confluence en 2010. Je ne m’explique pas cela autrement.”

Marc Bonny s’interroge : “Où est le préjudice ? Aucun autre cinéma ne porte ce nom. Quand UGC l’a repris, il faisait 500.000 entrées, et 250.000 en 2003. On ne peut pas dire qu’ils l’aient défendu. En fait, ils attaquent la mémoire du lieu.”



Fragilité financière

Ce premier procès constitue une épée de Damoclès pour le Comœdia. Depuis son ouverture, il y a un an le cinéma a réalisé 210.000 entrées, soit 20% de moins que prévu.

Parallèlement, une autre procédure est en cours. Par le biais du syndicat d’exploitants Uniciné, UGC a engagé un recours contre la subvention du CNC de 600.000 euros dont a bénéficié le Comœdia pour sa rénovation. “ Ils remettent en cause les politiques d’aides publiques en France pour les cinémas d’art et d’essai. Ils veulent se recentrer sur des films de qualité et on est un concurrent pour eux”, analyse Marc Bonny.


Comœdia de Lyon
Consulter le blog, signer la pétition

11 décembre 2007, lettre ouverte des producteurs

Les producteurs Michel David (Zeugma Films),
Marie Masmonteil (Elzévir Films)
et Bénédicte Lesage (Mascaret Films)
signent une tribune libre
adressée au président de la République,
à quelques jours de la remise des conclusions
de la mission Kessler-Richard.



Lettre au président Nicolas Sarkozy



Monsieur le président, l’heure est grave : en confiant à votre ministre Christine Albanel la mission de "supprimer les incohérences (qui apparaîtraient) dans la législation actuelle et de permettre l'émergence de groupes audiovisuels de premier plan", il nous apparaît que vous comptez remettre en cause tout ce qui a fait, depuis 50 ans, la force de l’industrie cinématographique et audiovisuelle française.

Il est de notre devoir de vous rappeler, d’emblée, que c’est une industrie largement créatrice d’emplois à forte valeur ajoutée et une industrie importante dans le monde, à forte image, donc à fortes retombées économiques (et pas seulement dans le secteur touristique).

L’heure est grave, parce que nous savons bien que nous sommes pris dans une contradiction : nous, producteurs de cinéma et de télévision, sommes des entrepreneurs, favorables à la concurrence, à l’initiative, à la liberté. Nous sommes depuis longtemps pratiquants, malgré toutes nos difficultés quotidiennes, d’une politique de l’offre.

Et vous allez, par nos protestations et par l’expression de l’angoisse devant notre mort programmée, nous traiter de malthusiens, de corporatistes, de conservateurs et, pourquoi pas, d’assistés ! Le principe central de vos intentions est qu’il serait nécessaire de libérer les forces du commerce et de l’industrie contre les avantages constitués au fil des décennies.

Et nous, les producteurs, dans tout ça ? Comment souhaitez-vous nous appliquer ces principes ? Au moins, nous en avons déjà un signe : il a suffi d’une parole gouvernementale au MIP-TV souhaitant une libéralisation des contraintes que notre profession a réussi à imposer (vous voyez bien que nous sommes corporatistes) pour que, en Bourse, les actions de TF1, M6 et Canal+ (qui sont déjà parmi les entreprises les plus rentables du paysage européen) montent en flèche. L’avenir radieux est en marche. Mais pas pour tout le monde !

Nous sommes – il faut le redire avec force – favorables à cette politique de l’offre ; la concurrence, nous l’affrontons tous les jours. Mais pourquoi combattons-nous ?

Nous sommes producteurs d’œuvres de l’esprit (et nous ne nous excuserons pas de ces grands mots), de programmes patrimoniaux destinés à une large diffusion. Faut-il rappeler que l’Oscar 2006 du meilleur film documentaire a été attribué à un film français indépendant, La marche de l’empereur ? Que les résultats à l’exportation de ce genre, qui enregistre aujourd’hui une progression de ses ventes sur le continent Amérique du Nord, est de 40,6% ?

Faut-il rappeler que l’animation française occupe le 4e rang mondial et que la fiction indépendante, dont on nous dit qu’elle est en crise, a représenté 80% des projets sélectionnés au dernier festival de la fiction française de La Rochelle ? Ces œuvres, ou si vous préférez, ces produits "vivent" dans l’espace et dans le temps (une œuvre imprègne son temps et, dans le meilleur des cas, les générations futures).

Comme tout "objet culturel", nos productions ont donc des spécificités d’écriture, de production et de diffusion qui ne peuvent en aucun cas les réduire aux modèles économiques classiques des autres secteurs. Nulle part dans le monde, notre secteur économique ne fonctionne à l’image d’autres, où les sous-traitants seraient entraînés par des grands groupes industriels.

Nous entendons bien ici l’ironie de nos brillants économistes qui vont nous dire que parler de spécificité est le signe même du corporatisme, qu’il y a des lois plus générales auxquelles nous ne pourrions pas déroger. Pourtant, sans même parler des conventions internationales sur la diversité culturelle (le rapport de force du génie français serait-il suffisant pour avoir fait accepter ces règles dérogatoires ?) ou sans même oser avancer le concept d’exception culturelle, il suffit de regarder le principal pays producteur au monde, les Etats-Unis.

De tous temps, Hollywood a su protéger son industrie de programmes et ses producteurs, en valorisant ses productions au mieux, en créant les conditions d’une force d’exportation avec des outils politiques, économiques, financiers et douaniers adéquats.

Nous pouvons même fièrement affirmer que les producteurs sont le point cardinal de la création. Oui, c’est grâce aux producteurs que les œuvres se font ! Nous avons besoin des diffuseurs dans un rôle de diffuseur, c’est-à-dire non seulement d’apport financier, mais de rôle intelligent de savoir accueillir la diversité, l’audace, qu’un diffuseur n’est pas à même d’avoir parce qu’il est un vaisseau soit trop lourd, soit trop frileux, soit trop gourmand !

C’est une très grave illusion, Monsieur le président, de croire que, autour de grands groupes industriels puissants – TF1 et Canal+ aujourd’hui, un opérateur de réseaux demain - pourrait se bâtir, grâce à la libéralisation du marché, une flottille de producteurs sous-traitants.

Si on analyse de près les modèles allemand et anglais (dont il faut rappeler au passage – et ce n’est pas négligeable !!! - qu’ils bénéficient d’une redevance sans commune mesure avec la redevance malthusienne française), on voit bien qu’une large liberté d’initiative est laissée aussi bien aux diffuseurs qui acceptent les projets qu’aux producteurs (avec parfois de très petites entreprises, seules capables de la réactivité nécessaire) qui proposent.

Il est frappant de constater que, malgré la diversité des modèles, le mode de relation contractualisé de facto entre diffuseur(s) et producteur(s), laissant l’initiative à ceux-ci, est à la base du métier (et, a contrario, là où cela n’est pas, l’industrie s’est littéralement effondrée : Italie, Espagne, Portugal).

Au passage, quand on nous accuse de malthusianisme, qu’a fait TF1 depuis 20 ans, sinon fermer toutes les portes possibles à un développement économique du secteur ? Et ce serait nous qui ferions preuve de blocage ?

Enrichissez–vous, semblez-vous nous dire ! Eh oui, mais pas tout le monde, et nous allons être nombreux à rester sur le carreau. Bien sûr, on peut dire (et beaucoup le pensent très fort) : tant pis pour ces vieux schnocks qui n’ont pas su ou voulu s’adapter. Mais nous nous adaptons, Monsieur Sarkozy.

Et n’oubliez pas que la prise de risque est du côté des producteurs. Savez-vous combien il faut développer de projets sur nos fonds propres afin de conquérir des marchés ? La recherche et développement est en France à la charge des producteurs et rarement des diffuseurs.

Et la culture dans tout ça ? Si des offensives aussi larges sont possibles, c’est bien que la culture n’est plus un enjeu (c’est une vieillerie dépassée qui n’aurait pas besoin, contrairement à l’environnement ou au social, d’un Grenelle). Contrairement aux producteurs agriculteurs, qui peuvent manier des concepts comme la faim et la santé, nous ne manions que de l’esprit (inutile, irrationnel, tout ça !).

Et voilà bien ce qu’il y a derrière votre projet : du pain (inégalitairement) et des jeux (égalitairement). Le modèle qui se profile est bien un modèle berlusconien de destruction de l’intelligence, d’asservissement de la pensée, d’émissions populaires où tout un chacun se raconte les tripes à l’air, avec, pour un temps, un zeste homéopathique d’œuvres de l’esprit.
L’avenir que vous nous dessinez est-il à des grands opérateurs industriels avec, autour d’eux, des entreprises d’animateurs-producteurs-journalistes-experts, avec des marges bénéficiaires dont pas un producteur d’œuvres patrimoniales n’ose même rêver ?

Est-ce vraiment cela que vous nous préparez ?

Est-ce vraiment une société où les "capitaines d’industrie", souvent nourris au lait des contrats publics, peuvent tout se permettre, peuvent imposer impunément leur rapport de forces, que ce soit dans notre métier, où la négociation sur les rapports producteurs diffuseurs s’entame sur l’injonction des grands groupes de renoncer à des dispositifs de protection des œuvres, ou dans la presse, où l’information économique sera muselée par goût du luxe et refus de toute velléité d’indépendance ?

Est-ce vraiment la loi du plus fort, où toute indépendance est de fait menacée ?

"Ensemble, tout est possible", disiez-vous au printemps. Or, votre projet va opposer plus encore les diffuseurs et les producteurs, mais aussi l’argent et la culture. L’heure est grave, Monsieur le président ; "ensemble", créons, avec notre génie français, un autre rapport de forces que celui qui se dessine, pour la liberté de la création et le succès de l’industrie cinématographique et audiovisuelle.



Marie Masmonteil (Elzevir Films) est présidente du collège long métrage et
Michel David (Zeugma Films) est président du collège télévision
du SPI – Syndicat des producteurs indépendants.

10 décembre 2007 : Communiqué de presse de l'ACRIF

L’ACRIF – Association des cinémas de recherche d’Ile-de-France
a été créée en 1981 par des programmateurs indépendants
de salles de cinéma de la région parisienne
et regroupe actuellement une cinquantaine d’établissements.

Autant de villes, autant de situations spécifiques
et une ambition commune : faire connaître des lieux de cinéma
qui proposent aux publics un travail singulier e
t innovant de programmation et d’animation.

Le texte suivant est une contribution
à la réflexion sur les rapports entre lieux
de diffusion cinématographique et argent public
et plus largement entre art et marché.

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Indépendant (adj) : Qui est libre de toute dépendance.

Il y a trente ans, lorsque l’exploitation privée a déserté les banlieues et les quartiers difficiles, le parc de salles de cinéma n’y a dû son salut qu’à l’engagement financier ET politique des élus locaux qui, en rachetant des salles de cinéma vouées à la fermeture, ou en en créant, ont maintenu, dans des zones urbaines isolées ou sinistrées, la vie de la cité et garanti aux populations un accès à l’art et à la culture. Cette démarche, accompagnée à l’époque par le Centre national de la cinématographie, n’a, bien que n'allant pas de soi, soulevé aucun tollé.

Signe des temps, cet engagement est, depuis quelque temps, attaqué de toutes parts : tout d’abord par deux grands circuits privés, UGC et MK2 (qui détiennent, à titre d’exemple, à eux seuls LA part prépondérante de l’exploitation en région Ile-de-France) mais aussi par quelques salles dites « indépendantes » de la part desquelles nous aurions pu attendre plus d’intelligence et de circonspection.

Un fantasme se fait jour : celui des salles municipales ou associatives qui bénéficieraient de véritables « rentes de situation » pendant que les autres se dépêtreraient courageusement avec les exigences du marché.

Bref, en termes de politique culturelle cinématographique, l’argent public serait, purement et simplement, dépensé, soit en pure perte, soit pour exercer une concurrence déloyale aux circuits.

La démarche d’UGC et MK2 est très claire : il s’agit d’attaquer et d’éliminer méthodiquement tous ceux qui menacent leur volonté hégémonique de se constituer en Trust et d’éliminer la concurrence, volonté dont le bras armé est bien évidemment le système des cartes illimitées. Système qui, au passage, pose un gros problème d’opacité de la remontée des recettes aux ayant-droits et ne peut aboutir qu’à une disparition de la logique collective, qui préside – encore – aux financements du cinéma français, puisque le partage des recettes est décrété de manière arbitraire et unilatérale par le seul exploitant.

La position des quelques salles qui se réclament d’un nouveau réseau, ISF (cf. ci-dessous) , nous semble beaucoup plus problématique. Une seule indépendance semble, à leurs yeux, avoir de la valeur : l’indépendance au politique. Comme si ces mêmes élus qui sauvaient il y a trente ans les salles de cinéma de leur ville, n’étaient maintenant plus des gens fréquentables.

A l’heure du désengagement de l’Etat (baisse annoncée des crédits déconcentrés dans les DRAC, mise en danger progressive de l’éducation artistique à l’école…), il est éminemment problématique de balayer nos élus du revers de la main et de les assimiler à de vagues crétins qui n’auraient en tête que « nous faire passer des films commerciaux en VF ». D’une part parce que cela participe du climat ambiant où la défiance face au politique n’aboutit finalement qu’à un désengagement général des citoyens et, d’autre part, parce que cela nous permet aussi de faire l’économie d’une démarche de formation et d’explication de notre travail à leur égard.


Si une réflexion PERMANENTE est à mener quant à une véritable politique culturelle des salles ayant une « mission de service public » et quant à leur rôle prépondérant dans l’accompagnement des démarches artistiques les plus exigeantes, les plus novatrices et les plus fragiles, l’ambiance actuelle qui consiste à regarder d’un regard malveillant le travail de son voisin risque à plus ou moins court terme de nous voir nous comporter comme des petits commerçants hargneux et non comme des acteurs de la vie artistique et culturelle.


L’art et la politique prennent leurs racines dans une volonté commune : partager sa vision du monde avec l’autre pour en faire une expérience collective. C’est peut-être pour cette raison que, paradoxalement, la participation des élus locaux dans la vie de leur salle de cinéma reste l’un des derniers remparts à la dérégulation des flux.


Pour toutes ces raisons, l’ACRIF soutient sans réserve toute salle dont la mission de service public serait menacée, aussi bien par des grands circuits commerciaux déterminés à se constituer un monopole que par les effets destructeurs et contre-productifs des discours distillés par certains.


L’ACRIF – Association
des cinémas de recherche d’Ile-de-France

57 rue de Châteaudun – 75009 Paris
Tél : 01 48 78 14 18 – Fax : 01 48 78 25 35

www.acrif.org


ISF : Il s’agit de salles – les Utopia de Bordeaux, Toulouse, Avignon, Saint-Ouen l’Aumône et Pontoise, le Pandora d’Achères, les cinémas Diagonal de Montpellier… – regroupées sous le sigle ISF (Indépendants, Solidaires, Fédérés) dont le communiqué a été repris in extenso dans la « Tribune libre » de TROIS COULEURS, publication des cinémas MK2 faisant état du recours déposé par UGC et MK2 contre l’extension du Méliès à Montreuil-sous-Bois.



L'ACRIF
Les 4 Vents – 77170 BRIE COMTE ROBERT
La Coupole – 77381 COMBS LA VILLE CEDEX
Cinéma Concorde – 77290 MITRY MORY
La Rotonde – 77550 MOISSY CRAMAYEL
La Bergerie – 77370 NANGIS
La Ferme du Buisson – 77436 NOISIEL
Cinéma Apollo – 77340 PONTAULT COMBAULT
La Ferme des Jeux – 77000 VAUX LE PÉNIL

Ciné 7 – 78990 ELANCOURT
Cinéma Jacques Brel – 78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX
Roxane Club – 78000 VERSAILLES

Cinéma François Truffaut – 91380 CHILLY MAZARIN
Cinéma Jacques Prévert – 91940 LES ULIS
Le Cyrano – 91230 MONTGERON
Espace Jacques Tati – 91400 ORSAY
Espace Marcel Carné – 91240 SAINT MICHEL SUR ORGE
Le Calypso – 91170 VIRY CHÂTILLON

Cinéma Paul Landowski – 92100 BOULOGNE BILLANCOURT
Cinéma de Châtillon – 92320 CHÂTILLON
Cinéma Jeanne Moreau – 92140 CLAMART
Cinéma Jean Vigo – 92230 GENNEVILLIERS
Cinéma Marcel Pagnol – 92240 MALAKOFF
Le Vanves – 92170 VANVES

Le Studio – 93300 AUBERVILLIERS CEDEX
Espace Jacques Prévert – 93600 AULNAY SOUS BOIS
Magic Cinéma – 93000 BOBIGNY
Cinéma André Malraux – 93140 BONDY
L’Etoile – 93120 LA COURNEUVE
Cinéma Municipal Louis Daquin – 93150 LE BLANC MESNIL
Cinéma Georges Méliès – 93100 MONTREUIL
Ciné 104 – 93500 PANTIN
Le Trianon – 93230 ROMAINVILLE
L'Ecran – 93200 SAINT DENIS
Espace 1789 – 93400 SAINT OUEN
Espace Paul Eluard – 93240 STAINS
Les 39 Marches – 93270 SEVRAN
Cinéma Jacques Tati – 93290 TREMBLAY EN FRANCE

Espace Jean Vilar – 94110 ARCUEIL
Cinéma Gérard Philippe – 94380 BONNEUIL SUR MARNE
Studio 66 – 94500 CHAMPIGNY SUR MARNE
Théâtre Cinéma Paul Eluard – 94600 CHOISY LE ROI
La Lucarne – 94000 CRÉTEIL
Le Kosmos – 94120 FONTENAY SOUS BOIS
Le Luxy – 94200 IVRY SUR SEINE
Royal Palace – 94130 NOGENT SUR MARNE
Centre culturel Aragon-Triolet – 94310 ORLY
Le Casino – 94350 VILLIERS SUR MARNE

Cinéma Jean Gabin – 95100 ARGENTEUIL
Centre des Arts – 95880 ENGHIEN LES BAINS
Cinéma de L'Ysieux – 95470 FOSSES
Cinéma Jacques Prévert – 95500 GONESSE
Les Toiles – 95210 SAINT GRATIEN
Cinéma Utopia – 95310 SAINT OUEN L'AUMÔNE

Manifeste pour un service public de cinéma par l'association Cinéma Public

Pétition de soutien ici


Notre association, Cinéma Public, se bat depuis 1978 pour l’existence d’un véritable service public de cinéma, non soumis aux seules lois du marché. Aujourd’hui ce service public de cinéma est sérieusement menacé par l’offensive du groupe UGC contre trois salles publiques ou bénéficiant de subventions : le Méliès à Montreuil, la future salle municipale de Noisy-le-Grand et le Comœdia à Lyon.

Il est temps de réaffirmer la nécessité d’un service public de cinéma et de définir ensemble une charte des salles publiques et associatives !

L’intervention publique a sauvé les salles de cinéma en France…

En ces temps de dérive libérale, nous tenons à rappeler que c’est grâce à l’intervention des collectivités locales et au rachat, par de nombreuses municipalités, de salles privées périclitant « faute de rentabilité », que la France a pu conserver un parc important de salles indépendantes sur tout le territoire français. A la fin des années 70, suite à la crise de fréquentation du cinéma, UGC fermait un bon nombre de salles, notamment celle de Montreuil qui a ensuite été rachetée par la municipalité. Même histoire pour le Comœdia à Lyon, réouvert en 2006 par un exploitant indépendant.

Ironie de l’affaire et révélateur de l’ultralibéralisme décomplexé de notre époque, ce sont ces mêmes salles qui, aujourd’hui, sont la cible des attaques commerciales et hégémoniques d’UGC.

Qui concurrence qui ? Qui concurrence quoi ? Le cinéma n’est pas une marchandise…

En ce qui concerne le Méliès et son projet d’agrandissement, le recours d’UGC (rejoint depuis par MK2) devant le tribunal administratif stipule que « l’utilisation des fonds publics pour pratiquer dans ces six salles des tarifs subventionnés […] est constitutive, de la part de la commune, d’un abus de position dominante et d’une violation des règles de la concurrence ».

Apparemment, UGC ne conteste pas le Méliès dans son fonctionnement actuel mais réagit à son seul agrandissement à 6 salles. Mais alors, pourquoi attaquer aussi Noisy-le-grand et son projet de cinéma municipal (trois écrans) ? Pourquoi un recours contre le Comœdia qui a reçu l’aide sélective du CNC pour modernisation ? En vérité il s’agit bien de remettre en question l’existence des salles publiques et du système d’aide français. UGC franchit ainsi une nouvelle étape dans sa volonté de domination et de monopole du secteur (rappelons que la nouvelle carte UGC/MK2 offre aux utilisateurs le libre accès à 354 salles en Ile-de-France et que son prix, et donc la rémunération de l’ayant droit, en est fixé unilatéralement) Qui concurrence qui ?


Certes, le cinéma est une industrie et à ce titre-là, comme le rappelle Alain Sussfeld, le directeur d’UGC : « Jusqu’à preuve du contraire, le secteur du cinéma est concurrentiel, régi par les lois du marché… » On songe à la belle formule du philosophe et économiste Serge Latouche « Quand on a un marteau dans la tête, on voit tous les problèmes en forme de clous et le marteau de l’occident, c’est l’économie » Car ce que semble ignorer M. Sussfeld, qui confond probablement les œuvres cinématographiques avec les grains de maïs soufflés vendus dans ses complexes, c’est que le cinéma est aussi un art. Jusqu’à preuve du contraire, nous avons en France, un principe pour lequel nous nous sommes battus et auquel tiennent les citoyens : cela s’appelle « l’exception culturelle ». Jusqu’à preuve du contraire, la déclaration universelle sur la diversité culturelle de l’UNESCO stipule que « pour être porteurs d’identité, de valeurs et de sens, les biens et services culturels ne doivent pas être considérés comme des marchandises ou des biens de consommation comme les autres » Enfin, en France, jusqu’à preuve du contraire, l’initiative publique peut intervenir dans le secteur public dans un cadre bien défini qui est celui de la carence de l’initiative privée, carence d’ordre quantitatif ou qualitatif.


Le spectateur qui fréquente les salles publiques ou associatives les différencie aisément des multiplexes et peut constater la défaillance de ces derniers en matière :

  • d’action culturelle envers des publics spécifiques, notamment en termes d’éducation à l’image.
  • de projections-débat, de rencontres et de manifestations qui font des cinémas municipaux des lieux de résistance à la pensée unique, créateurs de lien social, dans une relation de proximité avec les habitants.
  • de diffusion d’œuvres du patrimoine, de programmation de films pointus et novateurs, permettant aux spectateurs de découvrir de nouveaux auteurs.



Autant de missions assumées par les salles publiques qui offrent aussi :

  • une politique tarifaire permettant l’accès du plus grand nombre aux œuvres de qualité.
  • une diversité de la programmation, fruit d’un équilibre entre films d’auteur et films plus « grand public ». C’est cette démarche globale, dans une logique de politique culturelle, qui fonde l’identité de nos salles et qui permet un réel service public de cinéma.


Les groupes UGC et MK2 voudraient sans doute se réserver les films art et essai les plus porteurs et cantonner nos salles à la diffusion des films qu’ils refusent de passer, pour en faire des ghettos réservés à une minorité. Or la richesse des cinémas publics, c’est autant la diversité des œuvres que celle des publics. Ce sont des lieux d’échanges, des lieux citoyens et populaires ! Quant à remettre en question la politique tarifaire au motif qu’elle est anticoncurrentielle, c’est tout simplement remettre en question la démocratisation culturelle et dénier aux pouvoirs publics la possibilité d’une politique culturelle favorisant cette démocratisation. Rappelons enfin que l’égal accès à la culture est inscrit dans notre Constitution. Est donc fondée la légitimité de l’intervention des pouvoirs publics dans ces domaines.


Pour une charte des cinémas publics ! Nous devons absolument nous mobiliser contre la conception mercantile du cinéma d’UGC et plus largement contre une vision commerciale de la culture. Nous ne devons pas laisser les marchands de pop-corn définir restrictivement les missions et les orientations des salles publiques. Nous appelons tous ceux qui défendent le service public, spectateurs, professionnels, élus à définir ensemble une charte des salles publiques de cinéma.


  • Précisons ensemble les missions (en matière de programmation, d’action culturelle, de démocratisation, de citoyenneté) d’une salle publique afin d’élaborer un cahier des charges qui servira d’outil pour les élus, les institutionnels et sera un moyen de sensibilisation des spectateurs.
  • Soyons critiques, pointons ensemble problèmes et dysfonctionnements, interrogeons-nous sur le sens d’une action publique cinématographique.
  • Dégageons des propositions pour travailler avec les réalisateurs, distributeurs, producteurs afin de garantir la visibilité des œuvres les plus singulières et permettre une éducation du regard.
  • Associons les spectateurs des salles à cette réflexion et interrogeons-nous sur les publics.
Si la ligne éditoriale d’un cinéma ne doit pas se soumettre à une logique de la demande (qu’on présuppose le plus souvent, avec les a priori que nous portons tous), il faut néanmoins questionner la relation de la salle au public, tenir compte de la réception de l’offre, travailler avec le public et les habitants pour que leur cinéma soit un véritable lieu d’échange et de partage.
  • Enfin, anticipons et réfléchissons aussi à l’avenir de nos salles, à leur équipement, face au développement du numérique.