26 septembre 2007 Conférence budgétaire du Ministère de la Culture

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Note bene : trois occurences du mot "cinématographique" (ici, ici et ) ;
deux occurences du mot
"cinéma" (deux ci-dessous en vert et ).


Merci d’être venus nombreux pour cette présentation du budget 2008.

Quatre mois se sont écoulés depuis ma nomination Rue de Valois. Quatre mois de travail et d’immersion dans les dossiers. Quatre mois de rencontres avec des femmes et des hommes passionnés, dans les secteurs de la culture comme dans ceux de la communication, conscients de porter l’une des plus grandes spécificités de notre pays, ce que l’on appelle l’exception culturelle française. Conscients d’en modeler le visage, et de contribuer à son rayonnement, autant qu’à son essor économique.

Au cours de toutes ces semaines qui m’ont amenée dans un grand nombre de festivals, j’ai été frappée par la présence, la disponibilité, la curiosité de publics très nombreux, très variés, tant dans les manifestations d’art contemporain (Biennale de Lyon, Printemps de Septembre de Toulouse) que dans les festivals de théâtre ou de danse. Notre pays a la chance d’avoir ces publics là, prêts à jouer le jeu et à prendre des risques.

J’ai été également frappée par la richesse de l’offre culturelle, dans tous les secteurs. La première offre culturelle en Europe, et sans doute au monde, avec un réseau dense, fruit du rêve de Malraux et de cinquante ans de décentralisation. Cette richesse et cette diversité doivent être préservées.

Partout, des lignes bougent. Lignes entre les arts et les disciplines, car de plus en plus de manifestations sont multiples, mêlant par exemple art plastique, photographie et spectacle vivant. Lignes entre les contenants et les contenus, par l’emprise des nouvelles technologies, omniprésentes, y compris du côté des modes d’expression traditionnels : le livre aussi est concerné par le numérique. La séparation entre les mondes de la culture et de la communication est de moins en moins pertinente. Lignes, aussi, entre la France et l’étranger : nos expressions artistiques sont toujours plus accueillantes, toujours plus ouvertes aux talents, aux textes, aux œuvres venus d’ailleurs, comme en témoignent les programmations de nos festivals. C’est une immense richesse, même s’il faut tout faire pour que la réciprocité soit davantage la règle. Quant à notre relation avec l’Amérique, une Amérique dont nous pouvons voir à Deauville un cinéma original, inventif, elle est tout à fait décomplexée, au moment où notre propre cinéma l’a emporté pour la première fois en parts de marché, sur les films américains.

Défense du droit d'auteur

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème et que l’on peut se satisfaire de l’existant. Au contraire, il importe de répondre à certaines menaces et de relever de nouveaux défis. Je pense à tous les dangers qui pèsent sur nos industries culturelles (musique, cinéma, livre) en raison des téléchargements illicites. Défendre le droit d’auteur est l’objet même de la mission de médiation et de négociation confiée à Denis Olivennes, qui va rendre ses conclusions début novembre. Je pense à la place de l’écrit dans nos sociétés modernes. La place du livre, et nous préparons un plan en sa faveur qui s’appuiera sur le rapport Barluet et les propositions d’Antoine Gallimard pour les librairies. Mais aussi la situation de la presse, qui doit affronter des difficultés de toutes sortes. Je pense encore, la liste n’est pas exhaustive, au marché de l’art dans notre pays au regard de nos concurrents anglo-saxons.

Nécessité de réformes

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture



Sur tous ces fronts et sur bien d’autres, nous devons agir, et cela dans un contexte très particulier, qui est tout simplement celui d’un changement d’époque. La situation globale de la France est connue de tous. La nécessité de faire les réformes qui ont été différées pendant vingt ans alors même que tous nos voisins européens les ont affrontées et menées à bien, s’impose désormais à chacun. Cela suppose une réflexion sur les missions de l’Etat, le périmètre de ses interventions. Une réflexion bien sûr sur l’emploi public et les dépenses publiques qui, dans le contexte plus que contraint que nous connaissons doivent être utiles et porteuses de sens. L’important est là : pouvoir agir efficacement au service de nos missions.

Tel est le contexte dans lequel se situe ce budget 2008, dont je dis très clairement qu’il est satisfaisant au regard des contraintes que je viens d’évoquer et des enjeux de la politique de réforme conduite par le Président de la République.

Budget global et sources

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture



C’est un budget qui permet d’agir au sein de chaque programme et de porter des priorités.


  • en 2008, le budget de la Mission Culture y compris la recherche culturelle et la culture scientifique, s’établira à 2,928 Mds€, soit une progression de 3,2% ;
  • le budget global du service public de l'audiovisuel atteindra, en comptant les ressources propres des chaînes, 3,862 Mds€, soit une progression de près de 3% ;
  • le budget des aides à la presse s’établira à près de 288 M€, soit un accroissement de 5,8% ;
  • enfin, le compte de soutien à l'industrie cinématographique et audiovisuelle progressera de 4,5%, pour se situer à près de 530 M€.

Ce sont ainsi 7,6 Mds€ au total, soit près de 240 M€ supplémentaires, qui seront consacrés par l’Etat à la culture et à la communication en 2008. Et bien sûr je ne compte pas les contributions d’autres ministères en faveur de la culture, ni la dotation globale de décentralisation en faveur des bibliothèques, inscrite depuis 2006 sur le budget du ministère de l’intérieur. Je ne compte pas non plus les taxes affectées à des opérateurs, comme le Centre national du livre ou le Centre national des variétés, chanson, jazz, ni encore l’ensemble des dépenses fiscales, qui représentent des ressources indirectes mais bien réelles pour la culture, la communication, et les industries culturelles.

Grands projets (Versailles, Richelieu, Centre des archives, La Villette…)

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


En premier lieu, la mission Culture et le programme Recherche culturelle et culture scientifique :

Le budget alloué va nous permettre de poursuivre les grands projets existants, mais aussi de lancer de nouveaux projets dont la nécessité ne fait pas de doute.

Je pense au schéma directeur de Versailles. Mais je pense aussi à la rénovation du quadrilatère Richelieu, à la construction du nouveau Centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine et au grand auditorium de la Villette, équipement original qui n’aura pas d’équivalent en France, projets auxquels le Président de la République apporte son soutien.

Les grands projets cristallisent toutes les attentions, et les décisions qui les concernent sont toujours lourdes de conséquences. Ce qui importe, c’est que la décision politique commande à la décision budgétaire, et non l’inverse, et que cette décision politique se fonde sur des critères objectifs : utilité du projet, pertinence scientifique, dimension pédagogique et ouverture aux publics, équilibre interrégional, intégration dans l’environnement, coût de fonctionnement futur… En dehors des deux grands projets de Pierrefitte-sur-Seine et de La Villette, j’ai donc veillé à ce que le budget 2008 laisse ouverts tous les choix, et permette de prendre le temps de la réflexion. Ainsi, pour le MUCEM, projet structurant en région, ainsi pour le Palais de Tokyo ou encore pour le projet de centre européen de création sur l’île Seguin, les décisions définitives seront prises dans le cadre de l’exercice de révision générale des politiques publiques qui est en train d’être conduit et qui aboutira, pour le ministère de la Culture et de la Communication, fin janvier prochain.

Projets architecturaux

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Par ailleurs, derrière ces grands projets, ce qui se joue, c’est aussi notre engagement en faveur de l’architecture. Vous le savez, c’est un axe fort du ministère, qui est responsable de l’enseignement de l’architecture et de la formation des architectes, et qui intervient sur l’ensemble du territoire en aidant les collectivités territoriales et les propriétaires privés à conduire leurs projets dans les zones et espaces protégés.

L’architecture, ce sont aussi les grandes réalisations, comme le Centre des archives, conçu par Massimiliano Fuksas, ou la Philharmonie de Paris, de Jean Nouvel. Elles montrent à quel point le ministère de la culture et de la communication est un moteur dans ce domaine. L’ouverture de la superbe Cité de l’Architecture et du Patrimoine a marqué le lancement d’une réflexion globale, sous l’égide du Président de la République, sur la place de l’architecture dans notre pays. Comment lever les obstacles qui entravent son essor, et qui aboutissent à l’uniformisation de nos paysages, comment faire entrer l’architecture dans la vie quotidienne de nos concitoyens, comment l’inscrire dans une politique globale de développement durable ? Sur toutes ces questions et sur bien d’autres, nous avons la volonté d’avancer, en concertation avec les autres ministères concernés.

Fonctionnement

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Pour agir, dans tous les domaines il faut bien entendu des moyens et d’abord des moyens humains.

La masse salariale et l’emploi du ministère

Sans les hommes et les femmes qui font ce ministère, la politique culturelle, l’impulsion que peut donner l’Etat, n’existeraient pas.

Bien entendu, le ministère va prendre sa part de l’effort général de maîtrise de l’emploi public, supporté par l’ensemble des services de l’Etat, comme s’y est engagé le gouvernement. Ainsi, nous respecterons la règle du non renouvellement d’un départ à la retraite sur deux. Le principe voulu par le Président de la République de « moins d’agents, mais mieux payés » s’appliquera pleinement puisque nous avons en effet obtenu 2,5 M€ de mesures supplémentaires, catégorielles et indemnitaires.

Mais s’agissant des projets nouveaux, ou des chantiers qui montent en puissance, nous avons obtenu les moyens nécessaires à leur développement. Ainsi, le futur centre des archives va bénéficier de la création de 60 postes, permettant d’en renforcer le pilotage et de travailler à la préparation du conditionnement et du transfert des fonds d’archives. C’est un travail considérable qui va être assumé sans peser sur d’autres secteurs.

Des moyens complémentaires seront également mis en place en faveur de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, de la Cité de l’architecture et du Patrimoine, mais également du musée du Louvre ou du Centre Pompidou.

Programme Patrimoines

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Venons-en maintenant aux politiques en elles-mêmes.

Le soutien aux patrimoines


Le programme Patrimoines s’élèvera en 2008 à 979 M€ hors dépenses de personnel, ce qui représente 43% de la mission Culture en intégrant le programme recherche.

> entretien et restauration des monuments historiques

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


La poursuite de la relance du secteur des monuments historiques


Avec plus de 300 M€, l'entretien et la restauration des monuments historiques français demeurent l’une des priorités du ministère. Ce sont ainsi 288 M€ de crédits budgétaires qui seront consacrés à la préservation de ce patrimoine, auxquels s’ajouteront près de 16 M€ de fonds de concours. Représentant près d’un tiers du programme (hors crédits de personnel), j’ai souhaité que cet effort financier profite particulièrement aux monuments historiques n’appartenant pas à l’Etat : ces derniers bénéficieront en effet de 123,1 M€ en 2008, soit une progression de près de 20 M€.

Par ailleurs, l’accent est clairement mis sur les monuments historiques situés en région : les crédits déconcentrés à destination des travaux d’entretien et de restauration gérés par les directions régionales des affaires cultuelles s’élèveront ainsi à 130 M€ en 2008, contre 113,1 M€ en 2007, soit une hausse de 15 %. Ces crédits seront augmentés de 70 M€ issus de la rebudgétisation de la taxe sur les droits de mutation à titre onéreux, affectée en 2007 au CMN. Dans l’attente d’une organisation stabilisée de la maîtrise d’ouvrage sur les monuments historiques appartenant à l’Etat, qui va faire l’objet d’une mission spécifique qui rendra ses conclusions au printemps 2008, ces crédits ont en effet vocation à être consommés par les directions régionales. Le total des crédits déconcentrés 2008 sera ainsi de 200 M€.

> patrimoine écrit et documentaire

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Appui au patrimoine écrit et documentaire


Le ministère poursuit son soutien au patrimoine écrit et documentaire en 2008, avec 209,3 M€, en hausse de près de 11 M€, soit 5,5 %. L’Etat consacrera avant tout la majeure partie des crédits de cette action à la Bibliothèque nationale de France, à laquelle il versera 206,6 M€ en 2008 pour son fonctionnement et son investissement, permettant ainsi d’assurer la modernisation de ses équipements techniques et informatiques et des bâtiments.

J’ai par ailleurs demandé au Centre national du Livre et à la Bibliothèque nationale de France de travailler conjointement, afin de créer, avec les éditeurs privés, les conditions d’une offre de textes sous droits, au sein de la Bibliothèque numérique européenne. Vous savez combien je suis attachée à l’essor d’une offre légale sur les réseaux. C’est vrai, aussi, dans le domaine de l’écrit et nous avons la chance de pouvoir anticiper sur la révolution numérique qui est en cours. 10M€ seront affectés chaque année à ce projet. Ces crédits sont issus de l’élargissement en 2007 de la taxe sur les appareils de reprographie, affectée au CNL.

> archives

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par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Renforcement des moyens en faveur des archives


Le budget pour 2008 fait également une place importante aux archives, avec 41,8 M€, en hausse de 6,7 M€, soit plus de 19 %. Cet effort majeur du ministère s’explique bien évidemment par la montée en puissance du projet de nouveau centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, auquel le ministère consacrera 76 M€ d’autorisations d’engagement et 28 M€ de crédits de paiement. Le projet permettra d’offrir aux Archives nationales de France un nouveau centre destiné à recevoir les archives centrales de l’Etat postérieures à 1790. Il devrait voir le jour en 2012, mais il convient d’ores et déjà de préparer le système d’information nécessaire et de mettre en place, progressivement, les premières équipes qui assureront le transfert des fonds dans les meilleures conditions.

L’Etat continuera également d’aider les collectivités territoriales à mettre en œuvre leur politique des archives, avec près de 6 M€ destinés notamment à participer au financement des centres d’archives départementales et communales.

> archéologie, archives cinématographiques, musées

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Enfin, le soutien en faveur des autres actions du programme Patrimoines est soit consolidé, soit accru.

Je pense à l’archéologie, dont le budget augmente de 12,1%. Je pense bien évidemment au patrimoine cinématographique, aux acquisitions d’œuvres qui voient leurs crédits consolidés par rapport à 2007. Je pense aussi aux crédits destinés aux musées qui constituent en 2008 encore la plus grande part du programme, avec 344,3 M€, soit plus de 35 % du programme (hors crédits de personnel). Ces crédits permettront de faire un effort financier significatif tant en direction des grands opérateurs que des services à compétence nationale et des musées territoriaux. Les crédits alloués aux musées en région augmentent ainsi de près de 18%. L’objectif est de renforcer les équipes scientifiques, de numériser les collections, d’informatiser, ou encore de développer la conservation préventive, ainsi que de créer ou d’accroître les équipes des services des publics. Mais il est aussi, j’y tiens, de renforcer la sécurité des établissements et des collections. Je demande à la direction des musées de France de bien faire valoir cet impératif dans l’allocation des crédits.

Soutien à la création

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture



Après le patrimoine, j’en viens au soutien à la création, qui est une autre grande priorité du ministère de la culture.


Le soutien à la création

Les moyens du programme Création se monteront à près de 740 M€ en 2008 hors dépenses de personnel. Ce programme représente 32% des crédits de la mission Culture en intégrant le programme Recherche.

> spectacle vivant

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture



Consolidation des moyens destinés au spectacle vivant


Nous avons obtenu, pour le budget 2008, une consolidation des moyens en faveur du spectacle vivant, avec 640 M€. Cette action en faveur d’un secteur essentiel pour le rayonnement, la vitalité artistique, mais aussi humaine, sociale et économique de notre pays, représente aujourd’hui à elle seule près du quart de la mission Culture.

A l’intérieur de ces moyens, l’accent est mis sur le réseau du spectacle vivant en région, dont les crédits progresseront de près de 1%, ciblés prioritairement sur les investissements. Parce que ce réseau est extrêmement structurant pour le territoire. Parce que ces institutions, de par leur budget, de par leur positionnement, n’ont pas forcément aussi aisément accès que les opérateurs nationaux à de nouvelles ressources propres.

Ce réseau est aujourd’hui constitué et solide. C’est le premier réseau en Europe, et probablement dans le monde entier. Ce sont 1.235 ensembles et compagnies, 40 centres dramatiques nationaux et régionaux, 19 centres nationaux chorégraphiques, 12 opéras en régions, 22 orchestres permanents, 70 scènes nationales, 8 centres de création musicale, 95 scènes conventionnées, 132 salles de musiques actuelles, 167 autres lieux de création ou de diffusion, et 280 festivals qui sont soutenus aujourd’hui par le Ministère de la culture et de la communication.

Le réseau est donc en place, sur tout le territoire. Toutefois, sa solidité peut cacher certaines fragilités d’où l’intérêt d’une vaste réflexion que nous souhaitons engager dans les mois qui viennent.

Une réflexion sur la création, tout d’abord. Comment faire en sorte que nos aides soient mieux structurées, moins fragmentées ?

Sur la diffusion, ensuite, car aider la seule création ne suffit pas. Il faut que les œuvres fassent l’objet de davantage de représentations pour avoir plus de chance de rencontrer les publics.

Sur la gestion même de nos crédits et de nos institutions : je veux voir comment nous pourrions verser nos subventions plus vite, pour éviter des fragilités financières et des agios bancaires ; et du côté des institutions, comment l’on peut améliorer la gestion et optimiser l’allocation des moyens.

Enfin, sur la démarche de contractualisation entre les différents acteurs et le ministère. Je sais bien que la démarche contractuelle imprègne depuis longtemps, les relations entre l’Etat et les institutions du spectacle vivant. Je pense bien évidemment aux contrats de décentralisation dramatique, qui existent depuis le début des années 1970. Dans les années 1990, cette politique s’est renforcée, avec la définition de critères concernant les missions, les activités, les objectifs, l’organisation et le financement.

En 2006, le taux de conventionnement était ainsi de 56%.

Je pense qu’il faut aller plus loin, en intégrant les démarches qui relèvent de l’éducation artistique et culturelle, de l’apprentissage proposé aux publics, de la médiation, afin de généraliser ce système de conventionnement qui traduit des engagements réciproques. Il faut aussi travailler sur une meilleure cohérence des différentes institutions soutenues par l’Etat. Cela est vrai en région mais cela est vrai aussi pour le paysage parisien.

> arts plastiques

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture



Renforcement du soutien aux arts plastiques

Le budget 2008 se caractérise en effet par une progression du secteur de plus de 4M€, soit 53,6 M€ au total.

J’ai souhaité encourager la création, la diffusion et l’accès aux œuvres sur l’ensemble du territoire : 23 M€, soit près de 43 % des crédits consacrés aux arts plastiques, sont ainsi destinés aux actions de l’Etat en régions.

Je veux aussi soutenir le rayonnement international de la France, par de grandes expositions. Après le succès de l’édition consacrée à Anselm Kiefer en 2007, les expositions Monumenta seront poursuivies au Grand Palais, avec, en 2008, la venue de Richard Serra, après la rétrospective organisée cette année à New York.

Les crédits d’acquisition et de commande publique seront reconduits, avec près de 9,25 M€. Ces acquisitions, entre parenthèses, se développent également beaucoup grâce au mécénat, ce qui montre bien que les investissements de l’Etat ont un puissant effet de levier.

Je voudrais dire un mot également du plan de renouveau pour le marché de l’art français, que j’ai annoncé lundi, et que j’ai l’intention de lancer le plus rapidement possible. La France est un très grand marché de l’art, grâce au dynamisme de nos galeries, de nos maisons de vente et de nos antiquaires. Mais son recul est indéniable, et elle se situe aujourd’hui très loin derrière les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Nous devons inverser cette tendance, et le faire très rapidement. J’ai donc décidé de confier à Martin Bethenod, ancien délégué aux arts plastiques et désormais commissaire général de la FIAC, la mission d’expertiser et de développer plusieurs axes de travail.

Enfin, j’ai souhaité consacrer 3 M€ en 2008 au financement du coût induit par la transcription de la directive relative au droit de suite en France. C’est une mesure qui avait été annoncée, mise en œuvre, mais qui restait à financer. Or, elle s’était traduite, afin d’en neutraliser l’impact sur les galeristes, par une mesure de réduction de 2/3 des cotisations sociales qu’ils acquittent, rendant nécessaire la compensation par l’Etat de ce manque à gagner pour la Sécurité sociale. Dans ce domaine comme dans tous les autres, je veux faire reconnaître les droits des créateurs. C’est, je le rappelle, mais chacun l’a en tête, pour cette même raison que le ministère consacre 10,4 M€ au droit de prêt en bibliothèque.

> livre, lecture

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture

Poursuite de la politique en faveur du livre et de la lecture


Vous le savez, je suis très attachée à la défense du livre et de l’écrit, et j’ai tenu à en faire un sujet central, prioritaire, de ma politique. La rentrée littéraire nous offre cette année encore une occasion de nous réjouir de la vitalité du secteur de l’édition, et de l’efficacité des aides que l’Etat apporte à la diversité de l’offre. Mais que devient cette offre, si nos librairies indépendantes n’ont plus les moyens de la relayer auprès du public ? Si ces espaces privilégiés de découverte et de conseils s’asphyxient ?

Cette urgence apparaissait clairement à la lecture du rapport Livre 2010, rapport de Sophie Barluet qui m’a été remis en juillet. J’ai demandé à Antoine Gallimard, de se pencher particulièrement sur la question de la librairie, et il m’a remis récemment ses conclusions. J’intégrerai les mesures qui me semblent utiles et efficaces dans un projet plus vaste, un « plan livre », que je vous présenterai dans le courant de l’automne.

Je vous annonce dès à présent le doublement des aides du CNL aux libraires, qui passeront ainsi de 1,3 M€ à 2,5 M€.

Démocratisation de la culture et programme recherche

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Le programme Transmission des savoirs
et démocratisation de la culture et le programme recherche



Ces deux programmes représentent 25% (hors crédits de personnel) du total des crédits Culture et Recherche.

En 2008, le programme Transmission des savoirs disposera de 468 M€, auxquels il faut ajouter 20 M€ tirés de la vente des biens immobiliers du ministère et inscrits sur un compte d’affectation spéciale dédié. Ces crédits seront consacrés à la poursuite du plan de rénovation des écoles d’architecture. Ce sont ainsi au total 488 M€ qui seront consacrés à ce programme en 2008.

Avec quatre priorités : le renforcement des crédits alloués à l’éducation artistique et culturelle, la consolidation du réseau enseignement supérieur du ministère, la poursuite de la politique de numérisation, et l’organisation de l’année du dialogue interculturel. Ce budget permet aussi, de soutenir les actions qui favorisent l’accès de tous à la culture, et notamment toutes les actions que le ministère mène dans les hôpitaux, dans les prisons et à l’égard de l’ensemble des publics éloignés de la culture. Nous poursuivrons notre politique en faveur de l’accessibilité des établissements culturels et des œuvres au public handicapé. C’est un objectif que nous ne devons jamais perdre de vue. A cet égard, un réexamen systématique de l’ensemble des dispositifs existants sera mis en œuvre en 2008, avec le souci de clarifier les interventions de l’Etat et de les concentrer sur les initiatives les plus efficaces et exemplaires.

Education artistique

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Augmentation des moyens destinés à l’éducation artistique, véritable priorité du ministère


L’éducation artistique et culturelle bénéficiera de 31,5 M€, en hausse de 1,8M€, soit 6,1 %.

Les moyens seront prioritairement consacrés au développement des services éducatifs en partenariat avec le ministère de l'Education nationale et les collectivités territoriales, ainsi qu’à la mise en place de liens privilégiés entre chaque établissement d'enseignement scolaire et une institution culturelle. Les relations étroites entre les établissements et le monde et les activités culturels seront également renforcés par le développement des résidences d'artistes.

Le ministère mettra en œuvre cet engagement par le biais d’aides aux associations chargées d’animer des réseaux et de dispenser des formations, et aux intervenants dans le domaine de l’éducation artistique, grâce au soutien apporté aux structures artistiques et culturelles pour leur action éducative, aux programmes de sensibilisation à la culture cinématographique, aux actions menées en dehors du cadre scolaire, etc. Ainsi, entre autres, 9,2 M€ seront consacrés aux « projets fédérateurs » (missions d’actions éducatives, conventions avec les collectivités territoriales, résidences, etc.), 8,2 M€ aux dispositifs partenariaux (classes culturelles, ateliers, etc.), 6 M€ aux actions de formation et de documentation.

Je précise qu’il faut ajouter à ces 31,5 M€ tous les crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle par les établissements publics et les structures subventionnées, évalués à 11 M€. C’est dire l’implication de l’ensemble du secteur culturel.

Enseignement supérieur

26/09/2007 présentation du budget de la culture
par Mme Christine Albanel, Ministre de la culture


Maintien de la priorité en faveur de l’enseignement supérieur

Cette action demeure la plus importante du programme (219 M€), représentant un peu moins de la moitié de ses crédits (hors dépenses de personnel). Le ministère consacrera encore en 2008 d’importants moyens au fonctionnement des établissements d’enseignement destinés à accueillir les étudiants dans les domaines variés de l’architecture, des arts plastiques, et du spectacle vivant. Les nécessaires travaux de rénovation des équipements seront poursuivis, notamment en ce qui concerne les écoles d’architecture dans lesquelles le ministère de la culture investit massivement depuis plusieurs années afin d’améliorer l’accueil et le travail des étudiants.

Libération, le 25 septembre 2007

Par Liberation.fr
LIBERATION.FR : mardi 25 septembre 2007


Les réalisateurs soutiennent le projet de Montreuil


Environ 200.000 spectateurs par an pour 3 salles totalisant moins de 500 fauteuils : fort du succès de son cinéma art et essai, la ville de Montreuil-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, a engagé pour 2009 un projet d’extension sur 6 salles contenant 1.100 fauteuils en face du nouveau Centre Dramatique National. Mais UGC Ciné Cité a engagé fin juin 2007 un recours devant le tribunal administratif pour empêcher ce projet qui venait d’obtenir à l’unanimité l’accord de la Commission Départementale d’Equipement Cinématographique.
« Pour mettre en oeuvre une véritable politique de la ville et défendre une culture vivante, à l'opposé des logiques de ghettos sociaux, éducatifs, géographiques ou ethniques, précise le texte de soutien au futur Méliès, il est décisif de développer des lieux à la fois ouverts à tous et exigeants, qui manifestent avec acharnement que l'art est nécessaire pour interroger notre présence au monde et favoriser la cohésion sociale ; des lieux publics où s'éprouve par la vision commune et le débat nourri la communauté des spectateurs, donc des citoyens. Au coeur de ce projet culturel et politique, s'affirme la conviction qu'il est possible et important de défendre un cinéma de proximité de grande qualité dans une zone relativement défavorisée et d'inciter, dans le même geste, la population parisienne à fréquenter cette banlieue dont les médias dominants s'obstinent à ignorer la richesse culturelle.

« Pour ce complexe art et essai, la ville de Montreuil-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis (100.000 habitants) entend fermement conserver les trois labels attribués par le CNC qui distinguent aujourd'hui le travail du Méliès en direction du « Jeune Public », tout comme sa valorisation du cinéma de ‘Recherches’, de ‘découverte’, de ‘Répertoire’ et de ‘Patrimoine’. Mais ce passage de 3 à 6 salles permettra également d'amplifier cet effort en corrigeant les principaux défauts de la programmation actuelle. En s'engageant à ne pas projeter plus de films qu'aujourd'hui, mais à les exposer mieux, c'est-à-dire plus souvent et plus longtemps, le Méliès veut lutter à sa manière contre la rotation accélérée des films qui favorise la fréquentation d'impulsion initiée par le marketing et la communication des grands médias, au détriment du bouche-à-oreille et du cinéma le plus exigeant.

« Pour rester dans une logique qui se veut sélective, fondée sur l'appréciation subjective et néanmoins ouverte de films réellement vus, donc pour ne pas se perdre dans l'illusion de servir sans point de vue chaque semaine " toute l'actualité du cinéma ", deux de ces six salles seront consacrées à la fois au cinéma de répertoire (avec une visée pédagogique revendiquée dans la cité de Georges Méliès et des studios Pathé) et à la prolongation de films de qualité au-delà des deux ou trois semaines rituelles qui les voient parfois être chassés simultanément de tous les écrans des grands circuits parisiens.

« Nous, réalisateurs et distributeurs indépendants, avons aujourd'hui besoin de lieux d'exception qui soutiennent ainsi nos œuvres, non pas les yeux des programmateurs rivés sur le seul box office, mais subjectivement, passionnément. Ainsi ne voyons-nous nulle contradiction, bien au contraire, dans le fait que ce projet soit municipal et qu'il puisse être encouragé par l'Etat. Son statut de salle publique garantit des prix de place raisonnables pour la rendre accessible au plus grand nombre et singulièrement aux classes et écoles envers lesquelles un travail systématique d'accompagnement des films est réalisé.

« En ces temps dépourvus d'audace, où la notion d'oeuvre est réduite à celle de produit de consommation, le cinéma d'auteur et les salles art et essai les plus entreprenantes sont engagés dans un même combat pour la qualité, la diversité et le respect de la liberté commune des créateurs et des spectateurs. N'est-ce pas cette exigence, ce refus du renoncement à la passivité, autrement dit à la seule loi du marché, qu'il est urgent de promouvoir dans le cadre d'une réelle politique culturelle ? »

Ce texte de soutien, qui sera adressé au CNC et au Tribunal Administratif, a déjà été signé par la quasi totalité des distributeurs du champ de l’art et essai en France et par une soixantaine de réalisateurs du monde entier, dont Theo Angelopoulos, Solveig Anspach, Olivier Assayas, Jacques Audiard, Catherine Breillat, Dominique Cabrera, Laurent Cantet, Leos Carax, Jean-Louis Comolli, Catherine Corsini, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Claire Denis, Arnaud Desplechin, Olivier Ducastel, Pascale Ferran, Abel Ferrara, Jacques-Rémy Girerd, Philippe Grandrieux, Robert Guédiguian, Hou-Hsiao-hsien, Alejandro Gonzales Inarritu, Benoît Jacquot, Jia Zhang-ke, Abbas Kiarostami, Cédric Klapisch, Nicolas Klotz, Jeanne Labrune, Isild Le Besco, Noémie Lvovsky, David Lynch, Tonie Marshall, Dominique Moll, Murali Nair, François Ozon, Bruno Podalydès, Nicolas Philibert, Carlos Reygadas, Francesco Rosi, Abderrahmane Sissako, Bertrand Tavernier, Tsaï Ming-liang, Agnès Varda, Wim Wenders et Wong Kar-waï…

25 septembre 2007, Libération


Stéphane Goudet,
directeur du Méliès, commente l’action d’UGC :
Par Didier Péron
QUOTIDIEN : mardi 25 septembre 2007







«Aboutir à un cinéma à deux vitesses»
UGC vous reproche de fausser la libre concurrence. Que leur répondez-vous ?
L’attitude d’UGC à Lyon contre le Comœdia et maintenant contre le Méliès de Montreuil est le signe d’une stratégie désormais clairement offensive du groupe qui affirme représenter à travers son réseau de multiplexes tout le champ du cinéma, art et essai compris. Il s’agit, par-delà ces cas spécifiques, de faire pression sur le législateur pour qu’il revoie le statut des salles municipales et paramunicipales en France. Le discours récurrent du PDG d’UGC, Guy Verrechia, et en partie endossé par Marin Karmitz, c’est qu’il n’est pas normal qu’il y ait des salles subventionnées par l’argent public.

Quelle est la spécificité de votre travail, de vos programmations par rapport à un salle de type multiplexe ?
Nous mettons l’accent sur un travail pédagogique, la mise en place de cycles qui aident à mieux percevoir le cinéma dans des champs différents, à la fois esthétique avec des universitaires de cinéma qui viennent présenter des films du patrimoine, mais aussi politique avec les associations types Attac, ou philosophique : le Méliès a un partenariat avec le Collège international de philosophie. Il s’agit d’éditorialiser au maximum la programmation de nos salles et d’accompagner ces choix vers le public; nous remplissons à cet égard un rôle de contrepoids à la stricte logique de la communication audiovisuelle, au matraquage de la pub. Hou Hsiao-hsien a signé la pétition en disant: «La bataille des salles est une bataille décisive Et il sait de quoi il parle : ses films ne sont pas vus chez lui à Taiwan.

Le recours d’UGC précise-t-il le rôle qu’il imagine pour une salle subventionnée ?
Tout à fait. Dans son recours, UGC indique en trois points quelles étaient les raisons d’être d’un cinéma tel que le nôtre : on peut être subventionné si on se situe par exemple en pleine Creuse, dans une zone privée de cinéma à 150 km à la ronde et où, sous-entendu, UGC n’a aucun projet en cours ou déjà réalisé. Ensuite, si une action est menée en direction du jeune public, lequel n’intéresse pas UGC car les projections jeunes publics sont réglementées et doivent se faire au tarif de 2 euros. Elles ne sont donc pas rentables. Enfin, le plus croustillant, les salles ont le droit d’être aidées si elles diffusent des films qui ne pourraient pas passer dans des multiplexes ! Je continue de m’interroger sur ce que ça veut dire (rires). Y a t-il des films interdits d’entrée chez UGC et par qui ?


Quel est selon vous l’enjeu de cette stratégie procédurière d’UGC ?
Dans le texte de loi aujourd’hui, il y a deux critères d’intervention des pouvoirs publics dans le champ de l’exploitation. D’abord, l’aménagement du territoire, veiller au maillage sur l’ensemble du pays d’un réseau de salles, et c’est une politique qui a merveilleusement fonctionné: partout en France il y a des salles avec de l’art et essai. Le deuxième critère est culturel. Le cœur du dossier, c’est qu’UGC veut faire pression sur le législateur pour qu’il revienne en arrière sur la capacité des pouvoirs publics à intervenir dans le champ de l’exploitation. Ils ont pour objectif concret d’aboutir à un cinéma à deux vitesses, la sortie nationale dans les multiplexes à 10 euros l’entrée, et dans un second temps, au bout de cinq ou six semaines, les salles indépendantes peuvent récupérer les copies, et peuvent toujours exploiter les films considérés comme trop pointus, donc hors marché.

Vous n’avez pas de difficultés en ce moment pour obtenir les copies de films en exclusivité ?
Non, le succès de la salle nous permet d’avoir ce que l’on veut en sortie nationale. L’apparition de la pétition a cependant compliqué notre accès aux films. On vient d’avoir un petit souci avec un film UGC, qui s’est réglé grâce à l’intervention du médiateur du cinéma. Et j’ai appris qu’un autre distributeur avait reçu un coup de fil pour lui demander s’il était bien raisonnable de continuer à nous donner des copies !

L’ambiance est à ce point à couteaux tirés ?
Je trouve que les médias ne répercutent pas suffisamment le climat de crainte qui règne sur l’ensemble de la profession aujourd’hui. Par exemple, il y a trois semaines se réunissait l’ensemble des syndicats opposés à la mise en place de la carte illimitée UGC-MK2. Les trois quarts des intervenants se sont mystérieusement éclipsés trois quarts d’heure avant la conférence de presse. Parce qu’ils avaient peur. C’est un très mauvais signe sur la nécessaire solidarité des différentes professions du cinéma.

25 septembre 2007, Libération

Par Didier Péron
QUOTIDIEN : mardi 25 septembre 2007


UGC, un appétit décomplexé


Le puissant groupe UGC, deuxième exploitant de cinéma en France derrière Europalaces, est en conflit ouvert avec la salle de cinéma municipale le Georges-Méliès de Montreuil (Seine-Saint-Denis). UGC, par la voie d’un recours au tribunal administratif de Cergy-Pontoise déposé en juillet par Alain Sussfeld, directeur général du groupe, entend freiner, voire bloquer, le projet de relocalisation et d’extension de ce cinéma, à la programmation dynamique et ambitieuse.
Populaire. Actuellement fort de ses trois salles et de ses 200 000 spectateurs par an, le Méliès doit se doter de trois salles supplémentaires à l’horizon 2010. En quoi cela regarde-t-il UGC ? Le groupe estime que le cinéma, un fois transformé, dépassera sa vocation actuelle de service public ; le recours d’UGC stipule ainsi que «l’utilisation des fond publics pour pratiquer dans ces six salles des tarifs subventionnés […] est constitutive, de la part de la commune, d’un abus de position dominante et d’une violation des règles de la concurrence».
UGC détient à quelques encablures de Montreuil, à Rosny-sous-Bois, un vaste multiplexe, l’UGC Cité-Ciné Rosny, qui est rien moins que le troisième cinéma de France, avec 2,3 millions de spectateurs par an et une programmation majoritaire de films populaires en version française. Alain Sussfeld, joint par téléphone, précise bien que le groupe UGC ne conteste pas le Méliès dans son fonctionnement ­actuel mais bien son agrandissement à six salles, qui change totalement «l’attraction et la nature du lieu».

Selon Stéphane Goudet, 37 ans, directeur du Méliès, le PDG d’UGC, Guy Verrechia, tient une position offensive tous azimuts qui vise à contester l’existence de salles subventionnées (que ce soit par les collectivités territoriales ou le CNC) accusée de fausser la libre concurrence et de tirer les tarifs vers le bas. Alain Suss­feld rétorque qu’ «il n’y a aucune stratégie derrière [ses] différentes initiatives judiciaires» et voit surtout une offensive des maires de déguiser leurs ambitions électorales sous les oripeaux «d’objectifs socioculturels». «Jusqu’à preuve du contraire, le secteur du cinéma est concurrentiel, régi par les lois du marché», rappelle-t-il.

Concurrence. Trois autres procédures ont été déposées par UGC, à chaque fois sur le motif de subventions que le groupe juge abusives ou contraires aux règles de la libre concurrence. C’est le cas du Comœdia, salle du VIIe arrondissement de Lyon datant des années 20, jadis propriété d’UGC qui l’a fermée en 2003. Marc Bonny a décidé de la rouvrir et a déposé un dossier au CNC pour une aide sélective, qu’il a obtenue : 600 000 euros pour un chantier global de 3 millions d’euros. UGC a décidé illico de déposer un recours contre le CNC en contestant la validité de cette aide. La procédure est en cours mais, en attendant, Marc Bonny gère le Comœdia sans jamais obtenir de films de la filière distribution d’UGC, y compris quand il s’agit d’un film qui correspond à son type de programmation. On lui a par exemple refusé les Témoins d’André Téchiné.

UGC a aussi dépêché ses troupes contre la ville d’Epinal, soupçonnée de soutenir une salle municipale concurrente de leur multiplexe, l’UGC Cité Ciné de Ludres, pourtant situé à plus de 50 kilomètres d’Epinal ! Recours rejeté par le tribunal administratif car, selon un responsable municipal proche du dossier, «UGC s’attaquait à une convention d’aide municipale qui n’a jamais existé». Ça ne semble pas si clair puisque UGC ne lâche pas prise et vient de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. Enfin, Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) s’est vu autoriser par la commission départementale d’équipement cinématographique d’ouvrir un complexe de trois salles municipales, le Bijou. Or, UGC exploite les dix salles de cette ville et, là aussi, s’estime lésé. Un recours a donc été déposé en juin.

Bras de fer. Le cas du Méliès de Montreuil (et de sa mairie,­dirigée par l’ex-communiste Jean-Pierre Brard) prend valeur d’exemple dans ce bras de fer entre la logique commerciale des multiplexes et la politique culturelle des municipalités. Que le directeur de salle se décarcasse pour offrir aux spectateurs autre chose que l’usinage en masse, qu’une mairie l’aide à hauteur de 200 000 euros afin de le dégager du souci de résultats financiers pressants, on voit mal comment considérer qu’il y a là matière à se scandaliser et à parler de «position dominante». C’est comme si TF1 contestait à Arte le droit de passer des films en début de soirée sous prétexte que la chaîne est subventionnée.
Ce qui est en cause, c’est la part d’attractivité populaire des structures culturelles publiques. Si celles-ci restent cantonnées à une activité marginale vers un segment sociologique restreint, tout va bien. Ce que le recours semble vouloir sanctionner, c’est le succès. Au fil des années, aussi bien comme critique à la revue Positif qu’en qualité de directeur du cinéma, Stéphane Goudet (lire ci-dessous) s’est constitué un riche carnet d’adresses. Il peut aujourd’hui jeter un pavé dans la mare avec une pétition (1) signée par les plus prestigieux cinéastes internationaux (David Lynch, Wong Kar-wai, Arnaud Desplechin, Alejandro González Iñárritu, François Ozon…).

Que le gotha artistique mondial vole à la rescousse d’une salle située en proche banlieue parisienne est assez plaisant. Si UGC gagne, on peut considérer qu’un coup symbolique conséquent serait porté contre environ 30 % du parc des salles françaises cofinancées par des subventions municipales.

24 septembre 2007, Le Monde

LE MONDE | 24.09.07 | 13h19
Mis à jour le 24.09.07 | 16h10


Christine Albanel va évaluer, en octobre,
les "résultats" des scènes publiques


Christine Albanel est décidée à faire bouger le spectacle vivant public : ses théâtres, ses "1.200 compagnies subventionnées", ses 70 scènes nationales pluridisciplinaires (théâtre, danse, musique, cirque). Sa feuille de route est la "lettre de mission" de Nicolas Sarkozy sur la culture, qui suscite beaucoup d'inquiétude en imposant des "obligations de résultats" aux structures subventionnées (Le Monde du 13 septembre).



La démocratisation culturelle, écrit le président de la République, c'est "veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public". M. Sarkozy souhaite que chaque lieu subventionné "rende compte de son action et de la popularité de ses interventions". "Vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions", ajoute-t-il à l'intention de Mme Albanel.

La ministre engagera à partir du mois d'octobre "une concertation bilatérale, puis élargie" avec les acteurs du spectacle vivant, indique-t-on à son cabinet. Autrement dit, le ministère va commencer par rencontrer un par un les principaux responsables de lieux de spectacle pour faire le point. Des questions sensibles seront abordées, notamment le nombre de spectateurs qui fréquentent chaque lieu et la composition sociologique du public. "70 % des plus de 15 ans n'ont jamais mis les pieds dans un théâtre. La popularité n'est pas un gros mot", dit-on au cabinet de la ministre.

Chez Mme Albanel, on n'hésite pas à citer quelques bons élèves, qui font des efforts pour "fidéliser le public" et l'ouvrir : Jacques Nichet, du Centre dramatique de Toulouse, Angelin Preljocaj, du Centre chorégraphique d'Aix-en-Provence, la scène nationale de Chalon-sur-Saône, etc. De plus, le ministère de la culture se demande si, "en résumé, notre système est efficace" et s'il ne faut pas remettre à plat "la quinzaine d'aides" existant dans le spectacle vivant (aide à la création, à l'écriture, etc.). "Il faut essayer de retrouver des marges, pas seulement être dans un coin et signer des chèques", a asséné Mme Albanel dans un entretien à l'AFP, le 13 septembre.



TRISTES PÉRIODES

Cette dernière veut intensifier le contrôle de l'Etat et des collectivités locales sur les scènes subventionnées en développant les "contrats d'objectifs" : "A peine un tiers des scènes nationales, la moitié des centres chorégraphiques et un seul théâtre national, celui de Strasbourg, en ont signés", déplore-t-on rue de Valois.

Dans un communiqué, le Syndeac, le plus important syndicat d'employeurs du spectacle vivant subventionné, dénonce des "propos qui ne font que jeter le discrédit et la suspicion sur toute une profession. Aucune compagnie, aucun festival, aucun centre de création (...) n'a jamais reçu le moindre centime d'euro, de l'Etat comme de toute autre collectivité publique, sans présenter projet et engagement préalables, sans rendre compte de la bonne utilisation des subventions".

Il va falloir aussi appliquer la promesse du candidat de l'UMP d'inclure des "représentants du public" dans les commissions d'attribution des aides. La profession fait grise mine. "Ça me rappelle de tristes périodes de l'histoire", tranche Daniel Benoin, directeur du Théâtre de Nice et représentant des Centres dramatiques nationaux. Il ajoute : "Quand je suis arrivé, si j'avais demandé au public, il aurait voulu du boulevard et de l'opérette. J'ai un conseil du public. Je le réunis, j'écoute sa perception des œuvres. Mais jamais je ne l'interrogerai sur le produit au départ. Sinon, finie l'innovation." La démocratisation culturelle ne se décrète pas, poursuit M. Benoin : "Pour atteindre toutes les strates de la population, il faut des prix bas. Chez nous, chaque fauteuil coûte plus cher que le prix du billet. Plus il y aura de public, plus il faudra de subventions."

Cela ne semble pas être à l'ordre du jour. "Un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits", conclut M. Sarkozy dans sa lettre. Selon le ministère, l'enveloppe du spectacle vivant s'élève à "639,7 millions d'euros". Inutile de dire que le budget de la culture pour 2008, dévoilé mercredi 26 septembre, est attendu avec vigilance.

Clarisse Fabre et Nathaniel Herzberg