Communiqué ACRIF : César 2008, glissement progressif vers la censure

Paris le 24 février 2008
Communiqué de presse de l'ACRIF
(Association des Cinémas de Recherche d'Ile-de-France)




César 2008 :
Glissement progressif de la censure


Vendredi 22 février a eu lieu la 33ème cérémonie des César.

Une soirée bien calme eu égard aux nombreux mouvements et inquiétudes secouant une partie de la profession cinématographique face au désengagement de l'Etat en matière d'action et de diffusion culturelles.

Mme Albanel a de la chance : rarement Ministre de la Culture n'aura passé une soirée des César aussi tranquille !

Seule Mlle Jeanne Moreau eu les mots justes pour rappeler que le cinéma "célébré" ce soir-là n'a de sens et d'existence que tant que des salles pourront le faire vivre auprès des publics.

Seule ?

Cela n'aurait pas dû être le cas.

Car Mathieu Amalric, ne pouvant être présent, avait préparé un texte qui devait être lu par le Monsieur Loyal d'un soir, Antoine de Caunes. De ce texte, on jugeât que les spectateurs présents au Châtelet ou devant leur télé n'auraient droit qu'à la version digest, expurgée de sa substance la plus politique. On décida donc d'effacer les réflexions de Mathieu Amalric exprimant son attachement aux salles de cinéma indépendantes : "la SALLE de cinéma" contre les multiplexes qui n'ont que "les chiffres comme seule ligne d'horizon". Et citant l'exemple du film la Question humaine de Nicolas Klotz, Mathieu Amalric estime qu'il "n'aurait jamais fait autant d'entrées sans le travail de curiosité des exploitants de province et de l'ACRIF (Association des Cinémas de Recherche d'Ile-de-France)".


Quelles que soient les véritables raisons de caviardage, il n'est pas téméraire d'en faire un symptôme du glissement progressif des mécanismes de la censure. Couramment utilisé dès lors qu'il s'agit de pointer la démarche répressive d'un état ou d'une institution à l'égard de ses opposants, ce mot s'applique moins souvent lorsqu'il est la conséquence d'un rejet de tout ce qui remet en question et complexifie nos béates certitudes.


Que la partie la plus politique du texte de Mathieu Amalric soit précisément celle qui a été supprimée n'est pas fortuit : elle résulte d'un choix, qui, pour avoir été fait soit disant dans l'urgence, voire même en toute innocence, n'en dédouane pas pour autant ses responsables : le choix de privilégier la gaudriole plan-plan (vannes, applaudissements, ennui insondable...) et de museler l'inquiétude légitime de certains professionnels du cinéma met à jour une certaine tendance de la société française : une subordination générale, diffuse, paresseuse et arbitraire à l'idéologie dominante. Tout ce qui se ne relève plus du spectacle est alors vécu soit comme une intrusion (perturbation de l'auto-célébration de la “grande” famille du cinéma français), soit comme le comble de la ringardise (car ringarde est toute tentative de partager un raisonnement politique).


Etait-il donc si gênant de rappeler que ce sont également ces cinémas indépendants qui font que, dans toutes les régions de France, des spectateurs peuvent découvrir les œuvres les plus novatrices, les expressions les plus singulières d'auteurs qui œuvrent pour que leur travail soit regardé, écouté, partagé, confronté, en salles ?

Etait-il donc si inconvenant de rappeler que ces lieux où se vit le cinéma sont aujourd'hui fragilisés, plongés dans les tourbillons du marché que l'Etat par ses choix laisse comme seul maître du jeu ?

Est-il donc si malaisant de rappeler l'existence d'hommes et de femmes qui travaillent au sein de salles de cinéma et qui font montre de leur attachement à une mission de service public en matière de diffusion et d'action culturelle ?


Est-il déplacé de rappeler que ce sont ces salles qui les premières ont aimé et défendu les deux premiers longs-métrages d’Abdellatif Kechiche La Faute à Voltaire et L'Esquive, et non les multiplexes ?

Est-il si incongru de penser que si ces salles disparaissent c'est l'ensemble du cinéma français qui se casse la gueule ? Enlevez l'échelle et il ne restera plus que le pinceau pour s'accrocher au plafond...


L’ACRIF est une association qui regroupe une cinquantaine de salles de cinema de banlieue parisienne.



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