24 septembre 2007, Le Monde

LE MONDE | 24.09.07 | 13h19
Mis à jour le 24.09.07 | 16h10


Christine Albanel va évaluer, en octobre,
les "résultats" des scènes publiques


Christine Albanel est décidée à faire bouger le spectacle vivant public : ses théâtres, ses "1.200 compagnies subventionnées", ses 70 scènes nationales pluridisciplinaires (théâtre, danse, musique, cirque). Sa feuille de route est la "lettre de mission" de Nicolas Sarkozy sur la culture, qui suscite beaucoup d'inquiétude en imposant des "obligations de résultats" aux structures subventionnées (Le Monde du 13 septembre).



La démocratisation culturelle, écrit le président de la République, c'est "veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public". M. Sarkozy souhaite que chaque lieu subventionné "rende compte de son action et de la popularité de ses interventions". "Vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions", ajoute-t-il à l'intention de Mme Albanel.

La ministre engagera à partir du mois d'octobre "une concertation bilatérale, puis élargie" avec les acteurs du spectacle vivant, indique-t-on à son cabinet. Autrement dit, le ministère va commencer par rencontrer un par un les principaux responsables de lieux de spectacle pour faire le point. Des questions sensibles seront abordées, notamment le nombre de spectateurs qui fréquentent chaque lieu et la composition sociologique du public. "70 % des plus de 15 ans n'ont jamais mis les pieds dans un théâtre. La popularité n'est pas un gros mot", dit-on au cabinet de la ministre.

Chez Mme Albanel, on n'hésite pas à citer quelques bons élèves, qui font des efforts pour "fidéliser le public" et l'ouvrir : Jacques Nichet, du Centre dramatique de Toulouse, Angelin Preljocaj, du Centre chorégraphique d'Aix-en-Provence, la scène nationale de Chalon-sur-Saône, etc. De plus, le ministère de la culture se demande si, "en résumé, notre système est efficace" et s'il ne faut pas remettre à plat "la quinzaine d'aides" existant dans le spectacle vivant (aide à la création, à l'écriture, etc.). "Il faut essayer de retrouver des marges, pas seulement être dans un coin et signer des chèques", a asséné Mme Albanel dans un entretien à l'AFP, le 13 septembre.



TRISTES PÉRIODES

Cette dernière veut intensifier le contrôle de l'Etat et des collectivités locales sur les scènes subventionnées en développant les "contrats d'objectifs" : "A peine un tiers des scènes nationales, la moitié des centres chorégraphiques et un seul théâtre national, celui de Strasbourg, en ont signés", déplore-t-on rue de Valois.

Dans un communiqué, le Syndeac, le plus important syndicat d'employeurs du spectacle vivant subventionné, dénonce des "propos qui ne font que jeter le discrédit et la suspicion sur toute une profession. Aucune compagnie, aucun festival, aucun centre de création (...) n'a jamais reçu le moindre centime d'euro, de l'Etat comme de toute autre collectivité publique, sans présenter projet et engagement préalables, sans rendre compte de la bonne utilisation des subventions".

Il va falloir aussi appliquer la promesse du candidat de l'UMP d'inclure des "représentants du public" dans les commissions d'attribution des aides. La profession fait grise mine. "Ça me rappelle de tristes périodes de l'histoire", tranche Daniel Benoin, directeur du Théâtre de Nice et représentant des Centres dramatiques nationaux. Il ajoute : "Quand je suis arrivé, si j'avais demandé au public, il aurait voulu du boulevard et de l'opérette. J'ai un conseil du public. Je le réunis, j'écoute sa perception des œuvres. Mais jamais je ne l'interrogerai sur le produit au départ. Sinon, finie l'innovation." La démocratisation culturelle ne se décrète pas, poursuit M. Benoin : "Pour atteindre toutes les strates de la population, il faut des prix bas. Chez nous, chaque fauteuil coûte plus cher que le prix du billet. Plus il y aura de public, plus il faudra de subventions."

Cela ne semble pas être à l'ordre du jour. "Un bon ministre ne se reconnaîtra pas à la progression de ses crédits", conclut M. Sarkozy dans sa lettre. Selon le ministère, l'enveloppe du spectacle vivant s'élève à "639,7 millions d'euros". Inutile de dire que le budget de la culture pour 2008, dévoilé mercredi 26 septembre, est attendu avec vigilance.

Clarisse Fabre et Nathaniel Herzberg