15 janvier, France-Inter, "Esprit critique"

Quand il y a débat sur une grande chaine radiophonique
à une heure de relative grande écoute
à propos des circuits et des salles art et essai…

J'ai pris l'initiative de faire un compte rendu de ce débat
en le réécoutant plusieurs fois sur france inter.fr.
Je rédigerai ma propre réaction dans les jours qui viennent (consulter ici)
Bonne lecture,

Karine Prévoteau


France Inter, mardi 15 janvier 2008 de 9h10 à 9h35
Esprit Critique
(chronique) – journaliste Vincent Josse.
Invités : Alain Sussfeld, UGC – Xavier Blom, AFCAE
Association française des cinémas d'art et d'essai




Chronique intitulée sur le site de France Inter

Débat sur le cinéma :
cartes illimitées et salles subventionnées



Compte rendu à l’initiative, de la seule responsabilité et effectué par Karine Prévoteau (1), assumant les coquilles éventuelles, l’approximation de quelques termes malgré une volonté de retranscription des propos le plus en adéquation possible avec ce débat radiophonique.


Le journaliste pose le débat en ces termes aux deux invités : il les invite à faire un retour sur le « conflit entre les salles subventionnées » et « les gros circuits » type Pathé-Gaumont, UGC, MK2. Il demande si l’on vit « une guerre des cinémas », entre les « salles art et essai » et les « gros cinémas ». Il évoque par exemple le problème que pose apparemment l’extension de certaines « salles municipales » dont Montreuil, qui exercerait une « concurrence déloyale ». Y aurait-il « péril en la demeure » ?

Xavier Blom est le premier à intervenir. Il ré-évoque malgré « la relative bonne santé » des salles art et essai, leur grande fragilité avec les phénomènes de concentration incarnés, renforcés par les multiplexes, les outils comme les cartes illimitées, les nouvelles technologies. D’autre part, il y a les indépendants, les salles de proximité, ce modèle français, fragile, fragilisé face à une intention politique aujourd’hui absente, un pouvoir politique indifférent à la spécificité du travail fait par ces salles, un travail commercial, mais aussi un travail de nature culturelle.

Alain Sussfeld, lors d’une intervention relativement longue que Vincent Josse lui demande implicitement d’abréger pour laisser la parole de son interlocuteur s’exprimer, intervient quasi immédiatement pour préciser, fermement deux choses :

  • l’une est que les circuits, UGC et MK2 notamment ne vivent aucun conflit avec les salles art et essai ;
  • la seconde est la précision d’une distinction jugée absolument fondamentale par Alain Sussfeld entre 2 notions, donc tout à fait distinctes : la notion d’une salle art et essai et la notion d’une salle publique ou municipale.

Une salle art et essai n’aurait donc rien de commun avec une salle publique ou municipale. D’ailleurs, pour illustrer son propos, il souligne, à titre d’illustration de la tradition des bonnes relations à la fois concurrentielles et complémentaires entre des salles d’origine diverses, par l’exemple de Massy, qui représente un bon équilibre de programmation associant des films en V.O, qui sont aussi dans les salles UGC, et selon les saisons, des films de saisons, pour incarner la logique de proximité, par exemple à la saison de Noël des films pour enfants, à la saison des fêtes des films grand public.

Alain Sussfeld, qui a et garde toujours la parole à cet instant du débat, insiste bien pour que « ne pas confondre grands et petits, bons et méchants, salles art et essai et salles publiques » car selon lui « ce n’est pas aussi manichéen que cela !»

Il souligne un aspect : l’accentuation du rapport concurrentiel.

Le fait que « nous » (le nous est Alain Sussfeld et UGC et pour partie MK2, même si il précise qu’il ne parle pas en leur nom), je cite « Nous, entreprises, nous entendons étendre significativement le champs du spectre de la diffusion » […] « que nous faisons un énorme effort en terme de diffusion de film art et essai, notamment dans des régions pas du tout évidentes » […] « avec une politique systématique en faveur des films art et essai »

Monsieur Alain Sussfeld, qui dans l’avancée du débat garde toujours la parole, malgré la demande implicite du journaliste de ne pas se livrer à un « monologue » revient sur le bon mélange qu’est la programmation des salles de Massy par Xavier Blom, que cette programmation se rapproche de celle des UGC et que Alain Sussfeld insiste pour dire que ce rapprochement des programmations est absolument logique que « l’on est clair » là-dessus.

Certes, plus dans un principe de rayonnement et de diversité de diffusion, certes avec des politiques commerciales un peu différentes, il y a une même logique entre une programmation de salles comme celles de Massy et de salles UGC, cette logique n’étant pas de faire « exclusivement » du cinéma populaire, de blockbusters, de films américains ou de gros films français.

Le journaliste, Vincent Josse, reprend la parole et redemande alors ce qu’il en est pour Montreuil, pour ce cinéma le Méliès qui a actuellement 3 salles et qui aura 6 salles en 2010, de l’action judiciaire engagé par UGC et MK2.

Alain Sussfeld tient à minimiser d’emblée la portée des termes employés. Il se positionne par rapport à Montreuil sur un élément juridique car en France, nous sommes dans une société de droit.

Selon lui, Montreuil pratique une politique mixte de programmation moins qualitative que celle de Massy. Alain Sussfeld tient à préciser 2 chiffres : le premier est que 45% des séances de Montreuil sont communes avec celles des établissements de circuit de Rosny, que le Mélies de Montreuil programme Spiderman, Harry Potter et que selon lui, ces films font perdre au Méliès une partie de son identité.

Le second chiffre est que le Méliès reçoit 500.000 euros de subvention pour 200.000 entrées, soit 2,50 euros par entrée réalisée et que le Méliès pratique des prix de 2 à 3 euros plus bas que ceux pratiqués par UGC, d’où la situation juridique actuelle entre les différentes entités ( UGC, MK2 et le Méliès).

Car dans ce contexte, la maire de Montreuil prend l’initiative d’un déplacement et d’un redéploiement de son cinéma et que donc, il est normal d’engager une action, dans le cadre de procédure juridique française qui veut qu’il y ait une autorisation commerciale pour les établissements comme pour le commerce traditionnel. Alain Sussfeld évoque alors une attaque sur ce point d’agrément de déploiement et de déplacement du cinéma.

Vincent Josse rappelle que de nombreux cinéastes, sans agressivité aucune, sont solidaires du Méliès, comme Alain Guiraudie, Pascale Ferran qui dit que sans ce type de cinéma, son cinéma à elle n’existerait pas.

Alain Sussfeld précise que ces mêmes cinéastes sont par ailleurs « très très demandeurs » des salles des circuits.

Alain Sussfeld demande qu’il y ait une nuance dans son approche car il ne conteste pas le Méliès actuel, mais le Méliès futur.

Puis Alain Sussfeld revient sur 2 points de détail :

Le premier point de détail est qu’il y a 10 ans, lorsque UGC a demandé l’extension de Rosny, il y avait une seule voix négative, c’était celle du maire de Montreuil, qui par conséquent, ne doit pas considérer ses projets si déconnectés de ceux d’UGC.

Le second point de détail est que UGC, et MK2, vont initier une procédure de demande d’avis devant le conseil de concurrence, sur la problématique publique / privée.

« Point à la ligne » rajoute t-il et que cette procédure ne concernera pas les salles art et essai privées qui ont pour vocation de vivre et de se développer dans un système que UGC a toujours agrée.

Vincent Josse redonne la parole à Xavier Blom.

Xavier Blom précise que le Méliès a une valeur exemplaire, qu’il ne connaît pas aussi bien le dossier et qu’il remercie monsieur Sussfeld des compliments sur Massy tout en ajoutant que si Massy n’est certes pas le Méliès, Massy peut se retrouver demain dans une problématique de projets de développement, lui aussi.

Les circuits dénoncent les subventions dont bénéficient les salles publiques alors que souvent, dans la majorité des salles art et essai sur tout le territoire de la France, il s’agit de mono écran ou de 2 écrans, qui ne permettent pas d’équilibrer une activité purement commerciale, que ces salles ont besoin des aides des villes, que leur objectif n’est pas d’engranger de l’argent, que ces salles font un travail culturel, de mise en réseaux, d’éducation par le film.

Vincent Josse rappelle d’ailleurs qu’ils sont nombreux en ce moment à dénoncer la baisse des subventions de l’Etat.
(aparté dont je suis à l’initiative) Xavier Blom n’évoquera A AUCUN MOMENT l’action engagée par plus de 300 structures, souvent associatives, implantées sur TOUT le territoire français, salariant de 2 à 10 personnes pour certaines d’entre elles, représentant à ce jour un budget pour la totalité de leurs actions sur TOUT le territoire français de 5 millions d’euros de crédits déconcentrés dans les Drac par le Ministère de la Culture / CNC.

Non, Xavier Blom parle en effet d’une baisse des subventions de l’Etat depuis 2 ou 3 ans, mais qui ne sont en fait pas des subventions, mais des « avances remboursables » la part de fonds de soutien, concernant l’ensemble des opérateurs du cinéma, et notamment les salles, donc de la part de ce fonds de soutien reversé de façon sélective aux salles, aux associations de salles, aux festivals, part du fonds de soutien en baisse à cause du grand succès de certains films français et non américains, paupérisant la partie reversée de façon sélective au profit de la partie reversée en automatique aux acteurs du champs de la production de ces succès français.

Pour info (ça c’est moi qui le rajoute), l’enveloppe budgétaire sélective en provenance du fonds de soutien pour le classement des salles art et essai s'est élevée à peu moins de 12 millions d’euros en 2006.

Le débat se conclue sur la menace des technologies numériques qui nécessitent beaucoup d’argent et on se demande si les salles indépendantes vont pouvoir survivre.

Xavier Blom dit que c’est une technologie de concentration, qui qualitativement n’apporte pas grand-chose et qui coûte très cher.

Alain Sussfeld quant à lui dit que UGC est déterminé à être les derniers à adopter la projection numérique et que leur puissance, que l’on leur reproche par ailleurs, est un grand élément de garantie de l’autonomie et de la pérennité des salles de cinéma indépendantes, la garantie de la perrenisation de la copie et qu’une fois de plus, Alain Sussfeld pense qu’en la matière, UGC est parfaitement solidaire…


(1) Karine Prévoteau, 40 ans, distributrice indépendante ( 1998-2000). Responsable des actions publiques en faveur de l’audiovisuel et cinéma sur le territoire de la Région Alsace. Auteur d’une étude préfigurant la politique en faveur des cinémas indépendants de proximité « Etat des lieux des salles de cinéma indépendantes en Alsace de 1997 (avant l’implantation des 3 multiplexes dont Kinepolis et UGC Cité Ciné) » Equipement, organisation juridiques, ressources humaines, programmation, animations, publics (1999-2002). Déléguée générale du Groupement national des cinémas de recherche jusqu’à la fin 2003. Actuellement travailleuse indépendante en développement de long métrage, en écriture, production, diffusion et chercheuse - doctorante à l’école doctorale de l’université Sorbonne Nouvelle (Censier)