Edito du 1er février 2008 - Recherche(s) n°128
par Jérôme Brodier, président du GNCR
Groupement national des cinémas de recherche
par Jérôme Brodier, président du GNCR
Groupement national des cinémas de recherche
Le rhizome
plutôt que l’arborescence
Le rassemblement du 11 janvier dernier au Saint-André des Arts, et la mobilisation qu’il représente (cf. l’appel du collectif national de l’action culturelle cinématographique et audiovisuelle), a été un moment fort de ce début d’année. Nous nous réjouissons de cette solidarité collective, qui ne s’était encore jamais exprimée, à ce point, dans notre profession. Ce rassemblement de l’ensemble des partenaires qui œuvrent au quotidien dans l’action culturelle, l’enseignement artistique, la démocratisation ou la diversité culturelle, nous encourage à nous fédérer pour faire entendre notre voix.
A l’occasion de la cérémonie des César, le 22 février prochain, nous invitons chacun d’entre vous à se mobiliser, selon ses moyens et ses possibilités, afin de rappeler à nos spectateurs ce pourquoi nous nous battons. De la suspension de séance, à la lecture du texte du rassemblement, en passant par une table ronde ou un débat avec un cinéaste ou une personnalité du cinéma, chaque initiative dans vos salles sera l’occasion de lutter contre l’inertie générale, contre l’abêtissement médiatique, contre l’anéantissement de l’intérêt général.
Actuellement, tout concourt au démantèlement du tissu culturel au service du public !
Dernier coup asséné, le rapport Attali, qui préconise pour les salles de cinéma, comme pour les super-marchés – le rapprochement est déjà révélateur –, la libéralisation des prix et des implantations... Bref, si on écoutait ce “bon penseur”, on aurait tous droit à notre “cinécité-burgerquick” près de chez nous avec des super promos sur le dernier film “vu à la télé”!
La libéralisation économique c’est le dérèglement et c’est ce que nous subissons depuis septembre. Ainsi, UGC a tenté d’imposer en périphérie parisienne, via ciné-chiffre, une exploitation des films à deux vitesses! UGC et MK2 déposent des recours administratifs contre les salles indépendantes qui les “gênent” et osent accuser certaines d’entre elles “d’abus de position dominante”. Ces mêmes groupes se rapprochent pour éditer leurs cartes illimitées, menaçant ainsi la diversité des sites et gèrent leur système d’abonnement dans la plus grande opacité, au détriment des ayants-droits. Europalace et Pathé exercent quant à eux une pression pour le maintien et le renforcement de leurs positions de quasi monopole dans une profession où tout est mis en œuvre pour accentuer les déséquilibres au profit des circuits. La politique a, semble-t-il, déserté le terrain d'une régulation saine et salvatrice.
Dans le même temps, le ministère de la Culture annonce qu’il va baisser ses crédits déconcentrés de 20 à 40% pour les associations et pour les festivals qui œuvrent pour l’action culturelle cinématographique. Nous ne connaissons toujours pas exactement le montant de ces baisses, mais nous avons constaté que notre mobilisation collective qui a permis une prise de conscience, va peut-être permettre de limiter les dégâts.
La situation est grave, mais pas encore désespérée... Il faut donc que l’on reste mobilisés et vigilants, car il faut s’attendre à ce que cela continue :
- des nouvelles attaques contre les salles municipales ou associatives mettant en péril l’idée d’un service public ;
- le développement d’une exploitation à deux vitesses par le passage au numérique, une autre manière de déréglementer le maillage actuel des salles de cinéma en France et de gagner de nouvelles parts de marché !
- la suppression du ministère de la Culture et d’une manière générale de la place du politique dans la culture au détriment des groupes industriels et financiers. Le renforcement des pouvoirs des grands groupes au sein du CNC via l’instauration d’un conseil d’administration.
N’oublions pas que 2008 sera l’occasion de se remémorer 1968 ! Gageons que le 11 janvier est une première étape. Le 22 février, une seconde... Je vous adresse tous mes vœux pour 1968 (heu, pardon...) pour 2008 !