Janvier/février 2008, Journal de l'Alhambra Cinémarseille

Chronique

Une barbarie douce

Où allons-nous ?

La préparation du budget 2008 du Ministère de la Culture inquiète les associations d’action culturelles.

Tout indique que le Ministère de la Culture entend se désengager du financement des associations qui développent des actions de diffusion et de médiation culturelle dans les régions. Sans concertation, ni avec les intéressés ni avec les collectivités locales qui vont se retrouver sollicitées sans en avoir les moyens, ni le pouvoir, des mesures de diminutions, voire de disparitions de subventions, vont être prises avant la fin de l’année.

Pour ce qui est du cinéma, ce sont les associations régionales qui fédèrent des salles culturelles d’art et d’essai et de recherche qui sont menacées, ainsi que de très nombreux festivals, des circuits de cinéma itinérant et toutes les associations d’éducation populaire qui poursuivent déjà dans de grandes difficultés leurs missions.

Ce maillage de lieux et d’équipes est indispensable à une action culturelle globales qui est le seul rempart à la lente transformation des œuvres en produits que favorise la domination de l’industrie du cinéma par les lois d’un commerce libéral.

Tous les dispositifs d’éducation artistiques cinématographiques dépendent entièrement de ces réseaux. Ils sont les lieux de vie des intervenants artistiques et des ressources pédagogiques.

Au moment où les grands groupes de la distribution et de l’exploitation se mobilisent pour faire échec à des initiatives culturelles publiques de municipalités, comme le montre l’attaque de UGC/MK2 contre les projets de la Mairie de Montreuil, l’Etat, tout en soutenant ces projets, choisis de fragiliser ce tissus d’acteurs, déjà très paupérisés, au nom d’une restructuration de ses missions et de la résorption de la dette publique.

La logique libérale s’empare chaque jour davantage de notre vie ensemble. Les créateurs, les diffuseurs s’alertes et vont le faire savoir publiquement au début du mois de janvier, mais rien ne pourra se faire tant que le public qui est, sans le savoir, le premier concerné, n’aura pas pris conscience de l’appauvrissement en cours de tout son espace imaginaire, de sa langue, de ses récits, de ses gestes, de ses rêves. Une sorte de barbarie douce nous envahie.

Jean Pierre Daniel
Directeur de l’Alhambra Cinemarseille
Président des Enfants de cinéma